Par Lou Charaïre, journaliste du Monde
Donc, si l’on en croit ses déclarations aux médias, le directoire du Monde a démissionné, le 19 décembre, parce que l’actionnaire de référence du groupe de presse, la Société des Rédacteurs du Monde (SRM), se mêlait de façon abusive de cogestion de l’entreprise, décidait à la place des mandataires sociaux et contestait la stratégie de ceux-ci. Un abus de pouvoir en quelque sorte.
Tout à fait d’accord pour reconnaître qu’on ne peut pas manipuler un volant à plusieurs et que le pouvoir ne se divise pas plus que le point en géométrie. Tout à fait d’accord pour que les directeurs dirigent seuls, mais est-ce un mélange des genres qu’a pratiqué la SRM ?
Elle n’a pas contesté la stratégie du directoire, puisque celui-ci n’en a rendue publique aucune. En revanche, elle a refusé de voter le budget de la filiale du Monde Interactif, qui s’obstine à ne pas vouloir développer ses sites internet en accord avec le quotidien.
Elle n’a pas décidé à la place des mandataires sociaux. Elle leur a dit qu’elle refuserait les augmentations de rémunérations qu’ils demandaient et qui lui semblaient particulièrement indécentes au moment où un sévère plan d’économies est en préparation. Et elle a rendu public ce refus auprès de ses mandants, les journalistes, ce qui est bien le moins.
Elle n’a pas pratiqué la cogestion, mais joué pleinement son rôle de défenseur des intérêts de la communauté journalistique en interrogeant le directoire, puis en soulignant les faiblesses et les contradictions des mesures à l’étude.
Elle n’a pas le pouvoir de bloquer ou d’imposer, mais le devoir d’éclairer et elle l’a assumé.
Ce qui est en question dans la crise ouverte par le directoire, c’est l’indispensable contre-pouvoir qu’exerce la SRM. Si, avec la complicité d’Alain Minc, le président du conseil de surveillance, celle-ci se voyait réduite à l’état de béni-oui-oui, nul doute qu’il serait plus facile aux dirigeants d’imposer, par exemple, aux salariés du journal des sacrifices…qu’ils se dispenseront de s’infliger.
Un passé récent au Monde et le théâtre politique tous les jours confirment que « certains ne ‘tiennent’ pas le pouvoir, au sens où l’on ne ‘tient’ pas le vin » (Hubert Beuve-Méry). La SRM est un excellent éthylotest.
vendredi 21 décembre 2007
dimanche 9 décembre 2007
Comment Poutine monopolise les ondes en Russie
Par Alain Guillemoles, journaliste au quotidien La Croix
Est-il possible de mesurer objectivement le contrôle exercé par le président russe sur les médias ? Une ONG spécialisée sur la défense de la liberté de la presse, à Moscou, a réalisé une étude édifiante. Un an avant la présidentielle, c'est-à-dire en mars 2006, le "Tsentr extremalnoï journalistiki" (centre pour le journalisme en conditions extrême) a commencé à comptabiliser le temps d'antenne des principales personnalités et des principales forces en présence. Et le résultat est sans appel.
En mars 2006, sur la première chaîne, la plus regardée, le gouvernement bénéficiait de 48 % du temps d'antenne consacré aux informations politiques, le président de 35 % et le parti présidentiel Russie unie de 7,10 %. Ainsi, 90 % du temps a été offert à Vladimir Poutine et à ceux qui le soutiennent.
En octobre dernier, la tendance s'était encore accentuée: sur cette même chaîne, le président a bénéficié de 41,5 % du temps d'antenne, le gouvernement de 35 %, Russie unie de 16,5 %, soit 93 % du temps d'antenne. En revanche, le parti Iabloko a eu 0,4 %, le Parti communiste 0,8 % … Poutine a eu quatre heures d'antenne en temps cumulé, tandis que le chef du parti d'opposition ayant le plus parlé, Vladimir Jirinovski (LDPR), a eu cinq minutes.
L'étude (www.memo98.cjes.ru/diagrams/2007/200710-national.pdf) s'est concentrée sur les 6 grandes chaînes nationales et a porté sur le contenu des journaux télévisés de la fin de journée, de 17 heures à minuit.
Le "Tsentr extremalnoï journalistiki", dirigé par Oleg Panfilov, est une ONG reconnue en Russie pour son travail de défense de la liberté de parole, dans un pays où elle est particulièrement malmenée. Cette enquête permet de mettre en chiffre une réalité, qui saute aux yeux dès lors que l'on passe quelques jours dans une Russie en période électorale.
Sur le petit écran, durant la semaine précèdait les législatives du 2 décembre, l'opposition semblait ne pas exister. Les débats prévus par le code électoral avaient lieu à 7h du matin ou après 23h30. De plus, le parti présidentiel, Russie Unie, avait refusé d'y participer. En revanche, le jour où Vladimir Poutine s'adresse à ses partisans lors d'un meeting électoral au stade Loujniki, le journal télévisé consacre 16 minutes en ouverture pour diffuser de larges extraits d'un discours qui durait en totalité 22 minutes.
Vladimir Poutine est à ce point présent de façon disproportionnée à la télévision qu'une blague circule: «Poutine s'adresse à son écran de télévision. Il lui demande: «Miroir, mon beau Miroir, est-ce que je suis toujours le plus beau?» Et l'écran de télévision lui répond: «Mais je me tue à te le répéter!».
Ainsi, les Russes se défendent à nouveau par l'humour. Comme ils le faisaient à l'époque soviétique. Cette habitude avait disparu. Elle revient. C'est un signe qui n'a rien de rassurant.
Aujourd'hui, la machine médiatique du Kremlin fonctionne comme un chasse-neige qui pousse vers les marges l'ensemble des autres formations. À regarder les journaux télévisés, on peut être rapidement persuadé que l'opposition n'existe pas, n'a pas d'idées, de militants, de chefs… Et de fait, comme ce traitement dure depuis, déjà, quelques années, la réalité finit par ressembler au reflet qu'en donne la télévision !
blog.la-croix.com:russie
jeudi 29 novembre 2007
Un pas de plus vers l'horreur médiatique
Gros blues dans les rédactions. Ce que beaucoup de journalistes préssentaient avant l'élection de Sarkozy se confirme. En pire. Un journal, La Tribune, va être vendu pour ... un euro. Bernard Arnault(groupe LVMH), qui a fait passer ses pertes de 17 millions de francs à 17 millions d'euros en 15 ans, s'apprête à s'en séparer pour s'offrir son concurrent Les Echos, jugé plus prestigieux pour faire mousser sa soixantaine de marques, ainsi que les faits et gestes de son ami Sarkozy, dont il fut le témoin de mariage.
Autres amis de l'Elysée, le directeur de la rédaction du "Figaro" Nicolas Beytout (sa nomination a même été annoncée par Sarkozy) dirigera le nouveau pôle médias de LVMH, tandis qu'Etienne Mougeotte, ancien vice-président de TF1, le remplacera. Selon la rumeur, LVMH lorgnerait aussi sur TF1 et le Financial Times, journal européen de référence, aujourd'hui très critique sur la politique de Sarkozy en matière économique. Rappelons que parmi les autres meilleurs amis de l'Elysée, figurent Arnaud Lagardère (Journal du Dimanche, Paris Match ...), Martin Bouygues (TF1, LCI ...), Vincent Bolloré (Direct Plus, Direct Soir ...), Alain Minc (Le Monde), etc.
Malgré les cris d'alertes des journalistes directement concernés, ce rabattement des cartes médiatiques s'opère dans l'indifférence générale. Peu de chance que TF1, France 2 ou Europe 1, chaînes amies, ne fassent les gros titres sur les conflits d'intérêt et problèmes d'indépendance de la presse ainsi posés.
Quant aux services de communication de l'Elysée et des principaux ministères, ils ont une même priorité : montrer des images de leurs patrons, accompagnés d'un minimum de commentaires, dans les journaux les plus lus ou regardés par les Français (Paris Match, TF1...). Pour le reste de la presse : service minimum. Qui lit encore des journaux ? Des intellos, des gauchistes, des cultureux ...
Rarement autant de journalistes se sont faits ainsi tirer les oreilles par les services de presse d'un ministère pour un article jugé défavorable à leur boss. Avec des "sanctions" immédiates : plus d'invitation au Quai d'Orsay lors de passage de ministres étrangers, plus de conférence ou voyage de presse de l'Elysée, plus de rappel téléphonique quand un journaliste demande à avoir un détail ou à confirmer une information d'urgence avant de boucler un article ...
Pendant ce temps, la vulgarité et le clientélisme continuent. Un Président qui s'exprime comme un charretier, une ministre qui s'invente des diplômes, des cessations de poursuites pour les amis, la dépénalisation du droit pénal pour les patrons voyous, des réductions d'impôts pour ceux qui en ont le moins besoin ... Mieux vaut, dans un tel contexte, tenter de controler les médias pour que certaines informations ne sortent pas ou, alors, accompagnées d'un commentaire explicatif à la sauce élyséenne.
Autres amis de l'Elysée, le directeur de la rédaction du "Figaro" Nicolas Beytout (sa nomination a même été annoncée par Sarkozy) dirigera le nouveau pôle médias de LVMH, tandis qu'Etienne Mougeotte, ancien vice-président de TF1, le remplacera. Selon la rumeur, LVMH lorgnerait aussi sur TF1 et le Financial Times, journal européen de référence, aujourd'hui très critique sur la politique de Sarkozy en matière économique. Rappelons que parmi les autres meilleurs amis de l'Elysée, figurent Arnaud Lagardère (Journal du Dimanche, Paris Match ...), Martin Bouygues (TF1, LCI ...), Vincent Bolloré (Direct Plus, Direct Soir ...), Alain Minc (Le Monde), etc.
Malgré les cris d'alertes des journalistes directement concernés, ce rabattement des cartes médiatiques s'opère dans l'indifférence générale. Peu de chance que TF1, France 2 ou Europe 1, chaînes amies, ne fassent les gros titres sur les conflits d'intérêt et problèmes d'indépendance de la presse ainsi posés.
Quant aux services de communication de l'Elysée et des principaux ministères, ils ont une même priorité : montrer des images de leurs patrons, accompagnés d'un minimum de commentaires, dans les journaux les plus lus ou regardés par les Français (Paris Match, TF1...). Pour le reste de la presse : service minimum. Qui lit encore des journaux ? Des intellos, des gauchistes, des cultureux ...
Rarement autant de journalistes se sont faits ainsi tirer les oreilles par les services de presse d'un ministère pour un article jugé défavorable à leur boss. Avec des "sanctions" immédiates : plus d'invitation au Quai d'Orsay lors de passage de ministres étrangers, plus de conférence ou voyage de presse de l'Elysée, plus de rappel téléphonique quand un journaliste demande à avoir un détail ou à confirmer une information d'urgence avant de boucler un article ...
Pendant ce temps, la vulgarité et le clientélisme continuent. Un Président qui s'exprime comme un charretier, une ministre qui s'invente des diplômes, des cessations de poursuites pour les amis, la dépénalisation du droit pénal pour les patrons voyous, des réductions d'impôts pour ceux qui en ont le moins besoin ... Mieux vaut, dans un tel contexte, tenter de controler les médias pour que certaines informations ne sortent pas ou, alors, accompagnées d'un commentaire explicatif à la sauce élyséenne.
samedi 24 novembre 2007
Candides journalistes " embedded " au Tchad ?
Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
En dehors de l’affaires des enfants enlevés, les événements au Tchad posent de façon aiguë la question de l’opportunité pour des journalistes de s’embarquer dans des opérations hasardeuses et mal contrôlées, dans l’espoir de monter un beau coup de presse.
Le système du " journaliste embedded " (intégré) peut se justifier en zone difficile pour bénéficier d'une certaine protection. Comme nous l’avons déjà souligné, les institutions, l’armée, les grandes ONG, les organismes intergouvernementaux sont les premiers à proposer ce genre de mission.
L’intérêt du système n’a pas échappé aux ONG plus modestes, et surtout ceux qui évoluent en marge. Elles voient dans le système « embedded » un bon moyen pour se faire mousser à peu de frais. On voit donc des journalistes écartés des grandes opérations classiques, engagés dans des « coups » plus ou moins glauques. Si ça réussit, tout le monde est bénéficiaire. Malheureusement, les chances de réussite sont minimes parce que les objectifs des promoteurs sont flous, souvent très mal ficelés et peu ou pas financés.
Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, les trois journalistes impliqués opéraient hors des structures des rédactions, sans que l’ONG soit à même de leur garantir une sécurité minimum, et encore moins le succès journalistique.
Effet pervers du ratage de l’opération principale : les journalistes se sont vu reprocher d’être complices des responsables de l’ONG poursuivis par les autorités tchadiennes. Ils ont eu la chance de recevoir l’appui in extremis du Président de la République. Mais sur le fond, en Afrique et dans le tiers monde, on n’en a pas moins conclu : les journalistes sont complices, ils sont sortis de leur rôle d’observateur.
Il serait intéressant de savoir pourquoi les journalistes embarqués dans cette galère n'ont rien publié dans le courant de l'opération (simples problèmes de transmissions ?). Passe encore qu'ils n'aient pas vu que les enfants n'étaient pas vraiment des orphelins. Mais pourquoi ne se sont-ils pas aperçus dès le départ qu'il s'agissait d'une initiative très limite. Pourquoi n'ont-ils pas filmé, photographié ou simplement observé la " récolte " des enfants ?
Leurs explications à venir diront s'ils ont agit comme des journalistes ou comme de simples auxiliaires de communication. Principal enseignement du fiasco : quand la structure d'accueil est trop faiblarde pour garantir au journaliste " embedded " un minimum de sécurité, le risque (de sortir de son rôle de journaliste) peut être trop grand par rapport aux objectifs. Le système de « l’embeded » trouve là sa limite.
En dehors de l’affaires des enfants enlevés, les événements au Tchad posent de façon aiguë la question de l’opportunité pour des journalistes de s’embarquer dans des opérations hasardeuses et mal contrôlées, dans l’espoir de monter un beau coup de presse.
Le système du " journaliste embedded " (intégré) peut se justifier en zone difficile pour bénéficier d'une certaine protection. Comme nous l’avons déjà souligné, les institutions, l’armée, les grandes ONG, les organismes intergouvernementaux sont les premiers à proposer ce genre de mission.
L’intérêt du système n’a pas échappé aux ONG plus modestes, et surtout ceux qui évoluent en marge. Elles voient dans le système « embedded » un bon moyen pour se faire mousser à peu de frais. On voit donc des journalistes écartés des grandes opérations classiques, engagés dans des « coups » plus ou moins glauques. Si ça réussit, tout le monde est bénéficiaire. Malheureusement, les chances de réussite sont minimes parce que les objectifs des promoteurs sont flous, souvent très mal ficelés et peu ou pas financés.
Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, les trois journalistes impliqués opéraient hors des structures des rédactions, sans que l’ONG soit à même de leur garantir une sécurité minimum, et encore moins le succès journalistique.
Effet pervers du ratage de l’opération principale : les journalistes se sont vu reprocher d’être complices des responsables de l’ONG poursuivis par les autorités tchadiennes. Ils ont eu la chance de recevoir l’appui in extremis du Président de la République. Mais sur le fond, en Afrique et dans le tiers monde, on n’en a pas moins conclu : les journalistes sont complices, ils sont sortis de leur rôle d’observateur.
Il serait intéressant de savoir pourquoi les journalistes embarqués dans cette galère n'ont rien publié dans le courant de l'opération (simples problèmes de transmissions ?). Passe encore qu'ils n'aient pas vu que les enfants n'étaient pas vraiment des orphelins. Mais pourquoi ne se sont-ils pas aperçus dès le départ qu'il s'agissait d'une initiative très limite. Pourquoi n'ont-ils pas filmé, photographié ou simplement observé la " récolte " des enfants ?
Leurs explications à venir diront s'ils ont agit comme des journalistes ou comme de simples auxiliaires de communication. Principal enseignement du fiasco : quand la structure d'accueil est trop faiblarde pour garantir au journaliste " embedded " un minimum de sécurité, le risque (de sortir de son rôle de journaliste) peut être trop grand par rapport aux objectifs. Le système de « l’embeded » trouve là sa limite.
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mardi 20 novembre 2007
Bouffonneries médiatiques chez Rachida
Par un journaliste en charge des affaires judiciaires
Jeudi, 14h30, Hôtel de Bourvallais, Place Vendôme, Paris. Petit tour de piste dans le salon des oiseaux. Monsieur le Porte-parole salue les journalistes qu’il connaît, vérifie l’affluence, s’inquiète quand elle baisse, jubile quand les derniers arrivés cherchent une chaise. Puis, il jette ses derniers coups d’œil de professionnel en répondant à quelques appels sur son portable : la caméra du service de la communication du Ministère est dans le bon axe, la petite bouteille d’eau est bien positionnée sur la cheminée, juste derrière le décor bleu en carton, le show peut commencer.
Guillaume Didier est prêt à monter sur le ring de la conférence de presse hebdomadaire que lui a confiée Rachida Dati depuis septembre. Avec lui, au pupitre, une impressionnante pile de chemises : il y a les gros dossiers à l’ordre du jour, et ceux qui pourraient lui être utiles si un journaliste venait à lui poser des questions y correspondant. Si les journalistes ne les posent pas, le dossier restera sous le bras ...
Guillaume Didier a sa méthode, infaillible : pour chaque dossier, il abreuve son audience de données chiffrées, précise à toutes les phrases que ce bilan est conforme aux objectifs que s’était fixé la Ministre, puis change de sujet. Si le journaliste venait à insister lourdement, il se prendrait une nouvelle volée de chiffres verts métrononomiquement ponctuée de « comme l’avait souhaité la Ministre ». Sur les affaires qui font la Une et qui transitent pourtant par la Chancellerie, « la Ministre ne commente pas les affaires en cours ». Sur les projets du Ministère pour tel ou telle loi, « la Ministre réserve ses observations pour les membres de la commission de concertation ». « Quand les réunira-t-elle ? » demande un insolent, « très prochainement ». « Quand ? » répète l’entêté, « vous en serez informé en temps utiles »…
Et rien ne peut ébranler Guillaume Didier, qu’il s’agisse des batailles de Cabinet à l’Hôtel de Bourvallais où des questions techniques liées au divorce du couple présidentiel (où il ne put s’empêcher à près de 10 reprises de singer son homologue de l’Elysée en lâchant d’impénétrables et robotisés « sans commentaires »).
Que faire ? Boycotter les conférences de presse de Monsieur Languedebois ? Créer des happenings tels que des concerts de crécelles à chacune de ses non-réponses ? Des membres de l’association de la Presse Judiciaire ont trouvé une réponse pour le moins stimulante : organiser un concours de la question la plus impertinente, celle qui suscitera la plus grosse langue de bois de la semaine.
Tous les jeudis donc, nos camarades des principaux journaux, radios et télévisions entrent eux aussi dans l’arène du Salon des Oiseaux, armés de questions gênantes ou absurdes, et s’en donnent à cœur joie puisque l’interlocuteur, sous la surveillance permanente de la caméra du Ministère, se sent obligé de répondre à tout ce qui lui parvient aux oreilles : « la chancellerie va-t-elle créer une cellule d'assistance psychologique pour les avocats victimes de la réforme de la carte judiciaire ? » demande benoîtement une journaliste du Canard Enchaîné. « A quel titre Rachida Dati se rend elle avec le Président au Maroc ? », pose innocemment un confrère d’agence le jour de l’annonce officielle du divorce des Sarkozy. « Elle l’a dit ou pas ? » s’ennerve un autre journaliste d’agence à propos d’une citation gênante de la Ministre que son porte-parole refuse de confirmer ou d’infirmer…
Le gagnant se voit offrir un apéro au bar du coin, juste avant la conférence de presse de la semaine suivante. Et en cas de hat-trick, c'est-à-dire de 3 distinctions consécutives, c’est d’un repas entier qu’il se verra régaler.
Le Porte-parole termine sa séance groggy comme un boxeur qui a échappé au K.O. Au fond de la salle, le directeur du service de la communication qui n’a pas raté une miette des échanges, repart avec la caméra pour mettre le film de la séance sur le site internet du Ministère de la Justice… après en avoir supprimé les extraits les plus gênants pour la Chancellerie. Tout de même !
Jeudi, 14h30, Hôtel de Bourvallais, Place Vendôme, Paris. Petit tour de piste dans le salon des oiseaux. Monsieur le Porte-parole salue les journalistes qu’il connaît, vérifie l’affluence, s’inquiète quand elle baisse, jubile quand les derniers arrivés cherchent une chaise. Puis, il jette ses derniers coups d’œil de professionnel en répondant à quelques appels sur son portable : la caméra du service de la communication du Ministère est dans le bon axe, la petite bouteille d’eau est bien positionnée sur la cheminée, juste derrière le décor bleu en carton, le show peut commencer.
Guillaume Didier est prêt à monter sur le ring de la conférence de presse hebdomadaire que lui a confiée Rachida Dati depuis septembre. Avec lui, au pupitre, une impressionnante pile de chemises : il y a les gros dossiers à l’ordre du jour, et ceux qui pourraient lui être utiles si un journaliste venait à lui poser des questions y correspondant. Si les journalistes ne les posent pas, le dossier restera sous le bras ...
Guillaume Didier a sa méthode, infaillible : pour chaque dossier, il abreuve son audience de données chiffrées, précise à toutes les phrases que ce bilan est conforme aux objectifs que s’était fixé la Ministre, puis change de sujet. Si le journaliste venait à insister lourdement, il se prendrait une nouvelle volée de chiffres verts métrononomiquement ponctuée de « comme l’avait souhaité la Ministre ». Sur les affaires qui font la Une et qui transitent pourtant par la Chancellerie, « la Ministre ne commente pas les affaires en cours ». Sur les projets du Ministère pour tel ou telle loi, « la Ministre réserve ses observations pour les membres de la commission de concertation ». « Quand les réunira-t-elle ? » demande un insolent, « très prochainement ». « Quand ? » répète l’entêté, « vous en serez informé en temps utiles »…
Et rien ne peut ébranler Guillaume Didier, qu’il s’agisse des batailles de Cabinet à l’Hôtel de Bourvallais où des questions techniques liées au divorce du couple présidentiel (où il ne put s’empêcher à près de 10 reprises de singer son homologue de l’Elysée en lâchant d’impénétrables et robotisés « sans commentaires »).
Que faire ? Boycotter les conférences de presse de Monsieur Languedebois ? Créer des happenings tels que des concerts de crécelles à chacune de ses non-réponses ? Des membres de l’association de la Presse Judiciaire ont trouvé une réponse pour le moins stimulante : organiser un concours de la question la plus impertinente, celle qui suscitera la plus grosse langue de bois de la semaine.
Tous les jeudis donc, nos camarades des principaux journaux, radios et télévisions entrent eux aussi dans l’arène du Salon des Oiseaux, armés de questions gênantes ou absurdes, et s’en donnent à cœur joie puisque l’interlocuteur, sous la surveillance permanente de la caméra du Ministère, se sent obligé de répondre à tout ce qui lui parvient aux oreilles : « la chancellerie va-t-elle créer une cellule d'assistance psychologique pour les avocats victimes de la réforme de la carte judiciaire ? » demande benoîtement une journaliste du Canard Enchaîné. « A quel titre Rachida Dati se rend elle avec le Président au Maroc ? », pose innocemment un confrère d’agence le jour de l’annonce officielle du divorce des Sarkozy. « Elle l’a dit ou pas ? » s’ennerve un autre journaliste d’agence à propos d’une citation gênante de la Ministre que son porte-parole refuse de confirmer ou d’infirmer…
Le gagnant se voit offrir un apéro au bar du coin, juste avant la conférence de presse de la semaine suivante. Et en cas de hat-trick, c'est-à-dire de 3 distinctions consécutives, c’est d’un repas entier qu’il se verra régaler.
Le Porte-parole termine sa séance groggy comme un boxeur qui a échappé au K.O. Au fond de la salle, le directeur du service de la communication qui n’a pas raté une miette des échanges, repart avec la caméra pour mettre le film de la séance sur le site internet du Ministère de la Justice… après en avoir supprimé les extraits les plus gênants pour la Chancellerie. Tout de même !
jeudi 25 octobre 2007
Les tourments de Nicolas Sarkozy au Maroc
La « rupture » (conjugale) du Président de la République n'aura aucune conséquence sur la conduite de la politique du pays, assurent les communicants de l'Elysée. C'est une autre vision que donne une journaliste, qui faisait partie de la délégation de la visite officielle de Nicolas Sarkozy au Maroc.
Le jour de son arrivée, le dimanche 21 octobre, le chef d'Etat français s'est montré étrangement silencieux, manifestant des signes d'ennui et d'agacement en signant des contrats devant le roi du Maroc. Le personnel de l'Elysée, lui aussi, semblait perturbé puisqu'un document avait malencontreusement été intitulé « accord d'extradition d'uranium » (pour être remplacé à temps par « extraction »). De tempérament réservé, Mohammed VI, gêné par ce malaise général, ne savait que faire pour mettre à l'aise son hôte. Le soir, Nicolas Sarkozy, qui devait dîner en ville avec ses deux fils, a finalement préféré rester au Palais royal, dans la partie réservée aux invités.
Pris de compassion face à ce président n'ayant visiblement pas le moral (l'interview de Cécilia dans le magazine Elle l'aurait beaucoup blessé, d'après son entourage), Mohammed VI aurait fait venir sa famille auprès du chef d'Etat français pour l'entourer de son affection. Avant de lui confier « les clés du palais » (laissant à Nicolas Sarkozy ses appartements privatifs pour aller dormir dans une autre partie du palais).
Magie du sommeil ? Méthode Coué ? Ou autre miracle? Le lendemain, Nicolas Sarkozy était un autre homme. Celui qu'il montre habituellement aux caméras. Distribuant des « je vous aime » aux Marocains, comme aux nombreux chefs d'entreprises français qui l'accompagnaient.
C'est aux journalistes qu'il a réservé l'autre facette de son caractère. Agacés par des questions, pourtant plus politiques que personnelles, il a sèchement répondu à certains. Un communicant de l'Elysée a même menacé de ne plus inviter quelques impertinents aux conférences de presse. Un signe de "rupture" avec les médias, que le chef de l'Etat a si habilement utilisé pour accéder au pouvoir, en les abreuvant notamment de détails sur sa vie privée ?
Le jour de son arrivée, le dimanche 21 octobre, le chef d'Etat français s'est montré étrangement silencieux, manifestant des signes d'ennui et d'agacement en signant des contrats devant le roi du Maroc. Le personnel de l'Elysée, lui aussi, semblait perturbé puisqu'un document avait malencontreusement été intitulé « accord d'extradition d'uranium » (pour être remplacé à temps par « extraction »). De tempérament réservé, Mohammed VI, gêné par ce malaise général, ne savait que faire pour mettre à l'aise son hôte. Le soir, Nicolas Sarkozy, qui devait dîner en ville avec ses deux fils, a finalement préféré rester au Palais royal, dans la partie réservée aux invités.
Pris de compassion face à ce président n'ayant visiblement pas le moral (l'interview de Cécilia dans le magazine Elle l'aurait beaucoup blessé, d'après son entourage), Mohammed VI aurait fait venir sa famille auprès du chef d'Etat français pour l'entourer de son affection. Avant de lui confier « les clés du palais » (laissant à Nicolas Sarkozy ses appartements privatifs pour aller dormir dans une autre partie du palais).
Magie du sommeil ? Méthode Coué ? Ou autre miracle? Le lendemain, Nicolas Sarkozy était un autre homme. Celui qu'il montre habituellement aux caméras. Distribuant des « je vous aime » aux Marocains, comme aux nombreux chefs d'entreprises français qui l'accompagnaient.
C'est aux journalistes qu'il a réservé l'autre facette de son caractère. Agacés par des questions, pourtant plus politiques que personnelles, il a sèchement répondu à certains. Un communicant de l'Elysée a même menacé de ne plus inviter quelques impertinents aux conférences de presse. Un signe de "rupture" avec les médias, que le chef de l'Etat a si habilement utilisé pour accéder au pouvoir, en les abreuvant notamment de détails sur sa vie privée ?
lundi 22 octobre 2007
Le journalisme d'investigation a de l'avenir
Plus d’un tiers (37%) des grands journaux américains n’ont pas de journalistes d’investigation au sein de leur rédaction, indique une récente enquête. Comme en France, ce type de journalisme, qui devrait pourtant être un pléonasme, est en voie d’extinction. Trop coûteux (il faut du temps et ne pas rester coller à son bureau pour faire une bonne enquête)et préoccupant (toute vérité n’est pas bonne à dire pour les annonceurs ou amis politiques). Les rédactions préfèrent remplacer leurs vieux Routelabille par de bons petits soldats : de jeunes journalistes, sans rubriques définies, pouvant dégainer (écrire à la 4ème vitesse des articles), sans ramener leurs fraises (confronter leur expertise à l’ordre d’en haut).
Dans ce contexte peu réjouissant, une agence de journalisme d’investigation à but non lucratif va être créee à New-York. Financée par des organisations de philanthropie et dirigée par un rédacteur en chef du Wall Street Journal, Paul Steiger, “ ProPublica” ambitionne de " réaliser des enquêtes importantes qui sont de plus en plus difficiles à faire pour beaucoup de médias, a précisé à l’AFP Richard Tofel, directeur général de la future agence. Nous fournirons ensuite ces enquêtes aux médias capables de leur donner le plus de retentissement possible." Selon les cas, les enquêtes pourront aussi être fournies à des médias étrangers, a-t-il précisé.
“ProPublica” sera financée à hauteur de 10 millions de dollars par an par des organisations philanthropiques, telles que la Sandler Foundation, the Atlantic Philanthropies, la JEHT Foundation, la MacArthur Foundation. L’agence devrait être opérationnelle début 2008 avec une rédaction de 24 reporters à temps plein. Les candidatures “ de gens très, très bien” pleuvent, paraît-il.
Dans ce contexte peu réjouissant, une agence de journalisme d’investigation à but non lucratif va être créee à New-York. Financée par des organisations de philanthropie et dirigée par un rédacteur en chef du Wall Street Journal, Paul Steiger, “ ProPublica” ambitionne de " réaliser des enquêtes importantes qui sont de plus en plus difficiles à faire pour beaucoup de médias, a précisé à l’AFP Richard Tofel, directeur général de la future agence. Nous fournirons ensuite ces enquêtes aux médias capables de leur donner le plus de retentissement possible." Selon les cas, les enquêtes pourront aussi être fournies à des médias étrangers, a-t-il précisé.
“ProPublica” sera financée à hauteur de 10 millions de dollars par an par des organisations philanthropiques, telles que la Sandler Foundation, the Atlantic Philanthropies, la JEHT Foundation, la MacArthur Foundation. L’agence devrait être opérationnelle début 2008 avec une rédaction de 24 reporters à temps plein. Les candidatures “ de gens très, très bien” pleuvent, paraît-il.
mardi 9 octobre 2007
L’info payante contre-attaque sur le net
Arret sur images est mort, vive @rrêtsurimages.net ! Dejà 15.000 fidèles de la défunte émission de France 5, dirigée et animée par Daniel Schneidermann, se sont abonnés à la future version internet, qui sera mise en ligne début janvier. Le prix de l’abonnement a été fixé à 3 euros par mois et à 30 euros par an (1 et 12 euros pour les chômeurs, précaires).
Financé « exclusivement par les abonnés, et la publicité », le nouveau site aura pour seuls actionnaires (« par souci d’indépendance ») « les partenaires et les salariés qui contribueront à sa production ». Le choix économique est celui de la mixité (gratuit et payant) : certains contenus resteront en accès libre pour « contribuer au débat public », mais seuls les abonnés accèderont aux dossiers multimedia, aux archives, ainsi qu’à un réseau communautaire.
Alors que les journaux d’informations continuent à chercher leur modèle économique sur le net et que la tentation du « tout gratuit » (financé par la seule pub) gagne du terrain (Le Parisien.fr y réfléchit à son tour), fleurissent des vélléités de faire payer l'information de qualité sur le net. Ainsi, l'ex rédacteur en chef Edwy Plenel cherchait cet été des investisseurs pour lancer un journal d'enquêtes en ligne, dont l'essentiel du contenu serait payant.
C'est ce vers quoi, s'oriente aussi, avec une longueur d'avance, le journal " d'informations, enquêtes et mauvais esprit" bakchich.info, crée il y a un an par Xavier Monnier et Guillaume Barou, âgés d'un petit un quart de siècle. Les deux anciens journaliste du satirique Gri-Gri international ont su se faire conseiller et s'entourer de plumes bien informées. Après une première année, ornée de quelques jolis scoops, Bakchich s'apprête à faire payer la crème de ses infos. Et se permet même de débaucher dans la presse écrite ! Ainsi, le journaliste Nicolas Beau, qui négocie son départ du Canard Enchaîné, rejoindrait les jeunes pousses du premier journal satirique en ligne, qu'il conseille et abreuve depuis le début.
Financé « exclusivement par les abonnés, et la publicité », le nouveau site aura pour seuls actionnaires (« par souci d’indépendance ») « les partenaires et les salariés qui contribueront à sa production ». Le choix économique est celui de la mixité (gratuit et payant) : certains contenus resteront en accès libre pour « contribuer au débat public », mais seuls les abonnés accèderont aux dossiers multimedia, aux archives, ainsi qu’à un réseau communautaire.
Alors que les journaux d’informations continuent à chercher leur modèle économique sur le net et que la tentation du « tout gratuit » (financé par la seule pub) gagne du terrain (Le Parisien.fr y réfléchit à son tour), fleurissent des vélléités de faire payer l'information de qualité sur le net. Ainsi, l'ex rédacteur en chef Edwy Plenel cherchait cet été des investisseurs pour lancer un journal d'enquêtes en ligne, dont l'essentiel du contenu serait payant.
C'est ce vers quoi, s'oriente aussi, avec une longueur d'avance, le journal " d'informations, enquêtes et mauvais esprit" bakchich.info, crée il y a un an par Xavier Monnier et Guillaume Barou, âgés d'un petit un quart de siècle. Les deux anciens journaliste du satirique Gri-Gri international ont su se faire conseiller et s'entourer de plumes bien informées. Après une première année, ornée de quelques jolis scoops, Bakchich s'apprête à faire payer la crème de ses infos. Et se permet même de débaucher dans la presse écrite ! Ainsi, le journaliste Nicolas Beau, qui négocie son départ du Canard Enchaîné, rejoindrait les jeunes pousses du premier journal satirique en ligne, qu'il conseille et abreuve depuis le début.
mardi 2 octobre 2007
Irresponsable New-York Times ?!
Un journal en ligne, qui avait fait le pari d’un contenu payant et rentable, y renonce. Si la plupart des articles du New-York Times étaient diffusés gratuitement sur le site, l’accès aux éditoriaux et tribunes des grandes plumes du journal demeurait payant. Ce qui rapportait chaque année la coquette somme de 10 millions de dollars. Mais le grand quotidien new-yorkais veut croire qu’en les diffusant eux aussi gratuitement, il drainera davantage de visites sur les pages, donc plus d’audience, plus de pubs et plus d’argent.
Confiant dans l’avenir, le journal mise sur un flux toujours plus important de publicité sur la toile. Sans doute a-t-il fait ses calculs. Peut-être fait-il le
bon choix pour ce qui le concerne. Sa marque et son prestige sont tels que, même en cas de coups durs pour l’économie, les publicités publiées dans ce journal ne seront pas les premières sacrifiées.
Mais qu’en sera-t-il pour les autres titres? Le passage du NYT d’un système mixte (gratuit et payant)pertinent à un journal en ligne entièrement gratuit(donc financé exclusivement par la publicité) donne le « la » à une économie des médias, qui se cherche sur la toile. C’est une mauvaise nouvelle pour la profession. Qui conduit à s’interroger sur la place et l’avenir d’une presse de qualité indépendante et payante.
Has been de se poser une telle question? Le penser est nier une réalité : l’information a un coût. « Bétonner » (réécrire à la va vite) une dépêche d’agence demande peu de temps mais apporte une information purement factuelle, sans analyse, ni perspective. A l’inverse, un bon reportage ou une enquête nécessitent de se déplacer, de rencontrer un maximum d’acteurs et surtout de recouper, ce qui demande du temps et de l’argent.
Que des évidences, certes. Mais ce rappel doit amener à se demander ce qu’il se passerait si la plupart des journaux confiaient leur avenir à la publicité. Au delà des problèmes d’indépendance que cela peut poser (boycott de l’annonceur pas content d’une information le concernant ou d’une façon de traiter l’actualité économique, voire politique), qu'arriverait-il en cas de brusque récession économique ? Dans ce cas, la publicité est toujours le premier budget que les entreprises choisissent de tailler. Les journaux de qualité risqueraient-ils alors de disparaître au moment où l’on aura le plus besoin d’eux ?
Confiant dans l’avenir, le journal mise sur un flux toujours plus important de publicité sur la toile. Sans doute a-t-il fait ses calculs. Peut-être fait-il le
bon choix pour ce qui le concerne. Sa marque et son prestige sont tels que, même en cas de coups durs pour l’économie, les publicités publiées dans ce journal ne seront pas les premières sacrifiées.
Mais qu’en sera-t-il pour les autres titres? Le passage du NYT d’un système mixte (gratuit et payant)pertinent à un journal en ligne entièrement gratuit(donc financé exclusivement par la publicité) donne le « la » à une économie des médias, qui se cherche sur la toile. C’est une mauvaise nouvelle pour la profession. Qui conduit à s’interroger sur la place et l’avenir d’une presse de qualité indépendante et payante.
Has been de se poser une telle question? Le penser est nier une réalité : l’information a un coût. « Bétonner » (réécrire à la va vite) une dépêche d’agence demande peu de temps mais apporte une information purement factuelle, sans analyse, ni perspective. A l’inverse, un bon reportage ou une enquête nécessitent de se déplacer, de rencontrer un maximum d’acteurs et surtout de recouper, ce qui demande du temps et de l’argent.
Que des évidences, certes. Mais ce rappel doit amener à se demander ce qu’il se passerait si la plupart des journaux confiaient leur avenir à la publicité. Au delà des problèmes d’indépendance que cela peut poser (boycott de l’annonceur pas content d’une information le concernant ou d’une façon de traiter l’actualité économique, voire politique), qu'arriverait-il en cas de brusque récession économique ? Dans ce cas, la publicité est toujours le premier budget que les entreprises choisissent de tailler. Les journaux de qualité risqueraient-ils alors de disparaître au moment où l’on aura le plus besoin d’eux ?
lundi 17 septembre 2007
Colombani, futur rédac’chef richissime des Echos ?
C’est la nouvelle rumeur qui suinte des couloirs des rédactions parisiennes. L’ancien directeur de la rédaction du Monde, qui n’a pas encore été officiellement "soldé son compte de tout compte" au « grand quotidien du soir », arriverait en tête de la liste des possibles directeurs de la rédaction des Echos en cas de rachat du journal économique par LVMH, selon le site internet du Nouvel Obs. Bien que la vente ne soit pas finalisée, Bernard Arnault aurait déjà fait son choix. Colombani aurait aussi été aperçu vendredi dernier, « les bras encombrés de dossiers », écrit le site Bakchich.
« Ca aide d’avoir des copains du Cac40 ! », s’amuse un journaliste du monde, dont la rumeur n’avait pas encore gratouillé l’oreille. « Je pensais que Colombani était un proche du patron de Fimalac » (le concurrent de LVMH au rachat des Echos), s’étonne-t-il, avant de relativiser le poids de l’amitié dans le petit monde du capitalisme français. Reste que si Colombani ne met plus les pieds au Monde, la négociation de sa prime de départ suscite débats et remous parmi la rédaction.
Et pour cause. L’homme, qui bénéficie désormais de temps pour peaufiner ses chroniques sur France Inter et France culture, pourrait partir avec un cadeau d’adieu d’environ 1,5 millions d’euros. Le résultat du " bénéfice (octroyé par le conseil de surveillance du Monde) de la convention collective des journaliste (jusqu'à six mois d'indemnité de départ pour départ volontaire) associé à un mandataire social (environ 400 000 euros annuel, sans les primes d'intéressement) ", résume une source interne.
Précisons encore que comme Colombani n'était pas officiellement licencié fin août, il a donc été payé normalement par Le Monde les deux mois d'été (80 000 euros). En outre, son contrat, signé en 2003, prévoit un préavis de six mois en cas de licenciement (soit 240 000 euros).
En ajoutant les cotisations patronales (de l'ordre de 40%) sur son "salaire" proprement dit, soit 130.000 euros, il pourrait coûter 1,7 millions d'euros au journal. Au final, après négociations avec les organisation syndicales, Colombani consentira à partir avec " seulement " un million d'euros. Le prix de la non polémique médiatique.
Les patrons du Cac 40 ne sont plus les seuls à partir avec des parachutes dorés après avoir entraîné leur entreprise dans une fuite en avant financière, compromettante pour l'avenir.
« Ca aide d’avoir des copains du Cac40 ! », s’amuse un journaliste du monde, dont la rumeur n’avait pas encore gratouillé l’oreille. « Je pensais que Colombani était un proche du patron de Fimalac » (le concurrent de LVMH au rachat des Echos), s’étonne-t-il, avant de relativiser le poids de l’amitié dans le petit monde du capitalisme français. Reste que si Colombani ne met plus les pieds au Monde, la négociation de sa prime de départ suscite débats et remous parmi la rédaction.
Et pour cause. L’homme, qui bénéficie désormais de temps pour peaufiner ses chroniques sur France Inter et France culture, pourrait partir avec un cadeau d’adieu d’environ 1,5 millions d’euros. Le résultat du " bénéfice (octroyé par le conseil de surveillance du Monde) de la convention collective des journaliste (jusqu'à six mois d'indemnité de départ pour départ volontaire) associé à un mandataire social (environ 400 000 euros annuel, sans les primes d'intéressement) ", résume une source interne.
Précisons encore que comme Colombani n'était pas officiellement licencié fin août, il a donc été payé normalement par Le Monde les deux mois d'été (80 000 euros). En outre, son contrat, signé en 2003, prévoit un préavis de six mois en cas de licenciement (soit 240 000 euros).
En ajoutant les cotisations patronales (de l'ordre de 40%) sur son "salaire" proprement dit, soit 130.000 euros, il pourrait coûter 1,7 millions d'euros au journal. Au final, après négociations avec les organisation syndicales, Colombani consentira à partir avec " seulement " un million d'euros. Le prix de la non polémique médiatique.
Les patrons du Cac 40 ne sont plus les seuls à partir avec des parachutes dorés après avoir entraîné leur entreprise dans une fuite en avant financière, compromettante pour l'avenir.
jeudi 6 septembre 2007
RFI et TV5 craignent d'être dépouillées au profit de France 24
Dans une lettre de mission, Sarkozy a demandé à Kouchner de procéder "aux réorganisations nécessaires" dans l'audiovisuel public extérieur (TV5, France 24, RFI), estimant que "la BBC a autant de moyens que l'audiovisuel extérieur français (environ 300 millions d'euros) pour une visibilité et une influence beaucoup plus fortes".
Bon élève, Kouchner a donc publiquement souhaité que soit élaborée, d'ici la fin de l'année, une proposition de rapprochement entre TV5, France 24 et RFI. Seul objectif commun affiché : "un grand portail internet commun".Les rédactions concernées font, elles, le dos rond. Celles de TV5 (société commune avec les télévisions publiques de Suisse, Belgique et du Canada) et de RFI craignent que cette fusion soit surtout un moyen de renforcer (notamment en personnel) France 24, surnommée le "caprice de Chirac". Il faut dire que le budget de RFI (126 millions d’euros) a déjà reculé de 1,5 % depuis l’arrivée de la petite dernière.
France 24 est en effet censée concurrencer CNN ou la BBC avec des moyens ridicules : 80 hommes et un budget de 86 millions d'euros. «Bien inégalement repartis», moucharde un journaliste de la concurrence, s'offusquant de ces «cadres grassement payés», qui font travailler une armada de journalistes sous-payés.
Ces derniers mois, la direction de France 24 semblait peu encline à discuter avec celle de RFI.«La direction de France 24 se voit comme l'avenir et nous considère comme des ''has been''. Mais il n'ont pas la force de frappe et la crédibilité de RFI»,raille un syndicaliste de RFI. Ambiance...
Pour sa part, le syndicat SNJ de France 24 accueille "avec un a priori favorable" le principe du rapprochement, jugeant que leur chaîne a «tout à gagner à bénéficier du savoir-faire et de la mémoire de TV5 et RFI» et qu’«un audiovisuel extérieur fort ne peut que renforcer le rayonnement de France 24».(sic)
«Seul bémol, conclut le syndicat, il faudra que ce rapprochement préserve l’indépendance des rédactions par rapport aux tutelles : la direction nous a souvent rappelé depuis le lancement de France 24 que nous n’avions pas vocation à être la voix de la France.» Si même ceux qui sont censés bien s'en tirer ne jouent pas les bons petits soldats...
Bon élève, Kouchner a donc publiquement souhaité que soit élaborée, d'ici la fin de l'année, une proposition de rapprochement entre TV5, France 24 et RFI. Seul objectif commun affiché : "un grand portail internet commun".Les rédactions concernées font, elles, le dos rond. Celles de TV5 (société commune avec les télévisions publiques de Suisse, Belgique et du Canada) et de RFI craignent que cette fusion soit surtout un moyen de renforcer (notamment en personnel) France 24, surnommée le "caprice de Chirac". Il faut dire que le budget de RFI (126 millions d’euros) a déjà reculé de 1,5 % depuis l’arrivée de la petite dernière.
France 24 est en effet censée concurrencer CNN ou la BBC avec des moyens ridicules : 80 hommes et un budget de 86 millions d'euros. «Bien inégalement repartis», moucharde un journaliste de la concurrence, s'offusquant de ces «cadres grassement payés», qui font travailler une armada de journalistes sous-payés.
Ces derniers mois, la direction de France 24 semblait peu encline à discuter avec celle de RFI.«La direction de France 24 se voit comme l'avenir et nous considère comme des ''has been''. Mais il n'ont pas la force de frappe et la crédibilité de RFI»,raille un syndicaliste de RFI. Ambiance...
Pour sa part, le syndicat SNJ de France 24 accueille "avec un a priori favorable" le principe du rapprochement, jugeant que leur chaîne a «tout à gagner à bénéficier du savoir-faire et de la mémoire de TV5 et RFI» et qu’«un audiovisuel extérieur fort ne peut que renforcer le rayonnement de France 24».(sic)
«Seul bémol, conclut le syndicat, il faudra que ce rapprochement préserve l’indépendance des rédactions par rapport aux tutelles : la direction nous a souvent rappelé depuis le lancement de France 24 que nous n’avions pas vocation à être la voix de la France.» Si même ceux qui sont censés bien s'en tirer ne jouent pas les bons petits soldats...
mercredi 5 septembre 2007
LVMH veut empêcher toute autre offre sur Les Echos
Les vacances n'auront été qu'une « parenthèse enchantée » pour les rédactions des journaux économiques Les Echos et La Tribune.
Après s'être réjouit que le belge Rossel (c'est à dire un groupe étranger, meilleur garant de l'indépendance de la presse qu'un groupe français en France !) s'intéresse à leur journal, les salariés de La Tribune se demandent à nouveau à quelle sauce (bollorienne ? Et donc sarkozienne ?) ils vont être mangés.
Car il est désormais certain qu'Arnault, le richissime patron de LVMH, va se débarrasser du titre (après en avoir aggravé le déficit) pour s'offrir Les Echos, plus prestigieux selon lui. Mais surtout bénéficiaire. Une revanche en quelque sorte : par amour propre, l'étoile du Cac 40 ne pouvait rester sur un « échec » dans la presse ...
Le témoin du mariage de Sarkozy a évidemment les moyens de ses caprices. D'emblée, il mit sur la table une somme susceptible d'écarter tout concurrent. Face à tant de générosité, l'actuel patron des Echos, le britannique Pearson, accepta d'engager des «négociations exclusives» avec LVMH. Or cette clause fait aujourd'hui obstacle à l'examen de l'offre concurrente (et d'un montant supérieur) du groupe français d'informations financières Fimalac, qui bénéficie du soutien quasi-unanime de la rédaction des Echos.
Lundi dernier, le comité d'entreprise (CE) des Echos a été suspendu 48 heures car les élus ont demandé à voir la fameuse clause de négociation exclusive signée entre Pearson et LVMH, qui empêcherait «d'autres offres, telles que celle de Fimalac, d'être examinée».
Car malgré les nouvelles garanties faites le 23 juillet dernier par LVMH sur l'emploi et l'indépendance éditoriale (prévoyant notamment un droit de veto des journalistes sur la nomination du directeur de la rédaction), la méfiance reste à son comble. Ces propositions ont d'ailleurs été rejetées par les journalistes des Echos, qui y ont vu une indépendance en "trompe-l'oeil". Pendant ce temps, l'hôte de l'Elysée, pourtant sollicité par la Société des journalistes des Echos pour veiller à l'indépendance de la presse, demeure étonnement silencieux.
PS : Pour comprendre les problèmes posés pour l'indépendance de la presse par l'offre de Bernard Arnault, relire l'article de Renaud Czarnes (Les Echos) du 1er juillet 2007
Après s'être réjouit que le belge Rossel (c'est à dire un groupe étranger, meilleur garant de l'indépendance de la presse qu'un groupe français en France !) s'intéresse à leur journal, les salariés de La Tribune se demandent à nouveau à quelle sauce (bollorienne ? Et donc sarkozienne ?) ils vont être mangés.
Car il est désormais certain qu'Arnault, le richissime patron de LVMH, va se débarrasser du titre (après en avoir aggravé le déficit) pour s'offrir Les Echos, plus prestigieux selon lui. Mais surtout bénéficiaire. Une revanche en quelque sorte : par amour propre, l'étoile du Cac 40 ne pouvait rester sur un « échec » dans la presse ...
Le témoin du mariage de Sarkozy a évidemment les moyens de ses caprices. D'emblée, il mit sur la table une somme susceptible d'écarter tout concurrent. Face à tant de générosité, l'actuel patron des Echos, le britannique Pearson, accepta d'engager des «négociations exclusives» avec LVMH. Or cette clause fait aujourd'hui obstacle à l'examen de l'offre concurrente (et d'un montant supérieur) du groupe français d'informations financières Fimalac, qui bénéficie du soutien quasi-unanime de la rédaction des Echos.
Lundi dernier, le comité d'entreprise (CE) des Echos a été suspendu 48 heures car les élus ont demandé à voir la fameuse clause de négociation exclusive signée entre Pearson et LVMH, qui empêcherait «d'autres offres, telles que celle de Fimalac, d'être examinée».
Car malgré les nouvelles garanties faites le 23 juillet dernier par LVMH sur l'emploi et l'indépendance éditoriale (prévoyant notamment un droit de veto des journalistes sur la nomination du directeur de la rédaction), la méfiance reste à son comble. Ces propositions ont d'ailleurs été rejetées par les journalistes des Echos, qui y ont vu une indépendance en "trompe-l'oeil". Pendant ce temps, l'hôte de l'Elysée, pourtant sollicité par la Société des journalistes des Echos pour veiller à l'indépendance de la presse, demeure étonnement silencieux.
PS : Pour comprendre les problèmes posés pour l'indépendance de la presse par l'offre de Bernard Arnault, relire l'article de Renaud Czarnes (Les Echos) du 1er juillet 2007
lundi 3 septembre 2007
Pourquoi Sarkozy agace le reste de l’Europe ?
Extraits du Courrier International du 30 août au 5 septembre
Bizarrement, la poudre d’escampettes élyséenne n’aveugle pas les journalistes des pays voisins. Faut-il être à une faible distance pour que la magie opère ? Quoi qu’il en soit, la couverture médiatique française des "100 premiers jours" de Nicolas à l’Elysée fait grimacer la presse étrangère. L’irlandais The Irish Times juge ce traitement "digne d’une République bananière". Alors que le journal germanique Suddeutsche Zeitung dénonce « une politique ni judicieuse ni prévoyante», mais d’« esbrouffe ».
«La France a besoin d’un président actif, pas d’un agité », note le Financial Times, qui suggère à Sarkozy d’apprendre «l’art de déléguer». En Italie, la Stampa lève le masque et s’étonne : « Malgré son image fraîche et captivante, Sarkozy est (au vu de sa politique économique) un des politiques les plus surannés d’Europe ».
Le quotidien portuguais Publico s’essaye, lui, à la psychanalyse, s’évertuant à démontrer que l’ouverture sarkozienne n’est qu’une façon d’ériger la trahison en système. Pourquoi ? Pour faire oublier l’image de traite qui colle à Sarkozy, lui qui laissa tomber son mentor Chirac pour offrir ses services à un certain Balladur.
Le suisse 24 Heures enfonce le clou, pointant le «‘’y a qu’à’’ démagogique du système sarkozien » et s'inquiétant de cet « l’hyperactivisme » qui se double d’« hyperproximité ». « Dans son langage, dans son attitude, conclut Claude Ansermoz, il se met dans la peau du Français moyen qui dénonce, la baguette sous le bras, l’inefficacité d’un Etat qu’il représente pourtant. Ce double béret n’est pas tenable à long terme. Il tient même d’une certaine vulgarité. Il manque encore à Nicolas Sarkozy ce qui fait la marque de tous les grands chefs d’Etat : la hauteur. » Heureusement qu’il y a la Bulgarie pour venir au secours du soldat Sarkozy et de sa doulcinée, qui ont quand même accéléré la libération des infirmières bulgares. « Désormais unis, ils suivent les pas des Kennedy », s’enthousiaste le populaire Standart, après avoir longuement conté leurs déboires amoureux. Et de conclure : « Ce sont eux les nouveaux superhéros de l’Europe ».
Bizarrement, la poudre d’escampettes élyséenne n’aveugle pas les journalistes des pays voisins. Faut-il être à une faible distance pour que la magie opère ? Quoi qu’il en soit, la couverture médiatique française des "100 premiers jours" de Nicolas à l’Elysée fait grimacer la presse étrangère. L’irlandais The Irish Times juge ce traitement "digne d’une République bananière". Alors que le journal germanique Suddeutsche Zeitung dénonce « une politique ni judicieuse ni prévoyante», mais d’« esbrouffe ».
«La France a besoin d’un président actif, pas d’un agité », note le Financial Times, qui suggère à Sarkozy d’apprendre «l’art de déléguer». En Italie, la Stampa lève le masque et s’étonne : « Malgré son image fraîche et captivante, Sarkozy est (au vu de sa politique économique) un des politiques les plus surannés d’Europe ».
Le quotidien portuguais Publico s’essaye, lui, à la psychanalyse, s’évertuant à démontrer que l’ouverture sarkozienne n’est qu’une façon d’ériger la trahison en système. Pourquoi ? Pour faire oublier l’image de traite qui colle à Sarkozy, lui qui laissa tomber son mentor Chirac pour offrir ses services à un certain Balladur.
Le suisse 24 Heures enfonce le clou, pointant le «‘’y a qu’à’’ démagogique du système sarkozien » et s'inquiétant de cet « l’hyperactivisme » qui se double d’« hyperproximité ». « Dans son langage, dans son attitude, conclut Claude Ansermoz, il se met dans la peau du Français moyen qui dénonce, la baguette sous le bras, l’inefficacité d’un Etat qu’il représente pourtant. Ce double béret n’est pas tenable à long terme. Il tient même d’une certaine vulgarité. Il manque encore à Nicolas Sarkozy ce qui fait la marque de tous les grands chefs d’Etat : la hauteur. » Heureusement qu’il y a la Bulgarie pour venir au secours du soldat Sarkozy et de sa doulcinée, qui ont quand même accéléré la libération des infirmières bulgares. « Désormais unis, ils suivent les pas des Kennedy », s’enthousiaste le populaire Standart, après avoir longuement conté leurs déboires amoureux. Et de conclure : « Ce sont eux les nouveaux superhéros de l’Europe ».
jeudi 30 août 2007
L'expert économique est toujours joignable (2)
Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
Au cœur de l’été comme n’importe quel dimanche de l’année, l’expert économique se doit d’être disponible pour la presse. Où qu'il soit, il trouvera dix minutes pour rappeler, avant l'heure de «bouclage», le journaliste qui lui a laissé un message sur sa boite e-mail ou son portable.
Car si le journaliste a besoin de l’expert pour lui apporter des éclaircissements sur un événement économique et ses répercussions possibles, la réciproque est évidemment vraie. Avoir (gratis !) son nom et celui de sa banque dans un article lui est précieux. L'ordre, la façon dont son analyse apparaît dans le corps de l'article, n'ont rien d'anodins. Et il ne le sait que trop bien.
Tacitement, les experts se jaugent à l’aune de ces citations parues dans la presse. Les banques qui les embauchent y trouvent a fortiori un intérêt en terme de «reconnaissance».
Certains experts ont même vu leur célébrité éclater en se montrant particulièrement disponibles avec les journalistes. Ils créent alors des blogs, des sites, voire leur propre société de conseil. La multiplicité des supports et l'exigence de rapidité (amplifiée avec le développement de la presse sur internet) offrent un boulevard de renommée à ceux qui savent comprendre et s'adapter à ces nouveaux impératifs médiatiques. On les lira ou entendra ainsi davantage que d’illustres confrères, peut-être plus « besogneux » et moins aguerris aux nouvelles techniques de communication.
Par ailleurs, les économistes sont également marqués politiquement. Le journaliste économique n'ignore par que ceux de l’Office français des conjonctures économiques ( OFCE) sont plutôt à gauche. A l'inverse de ceux qui travaillent dans les grandes banques, considérés comme davantage libéraux.
S’ils sont rarement d’accord, la quasi-unanimité des économistes critiquent cependant la politique économique de Nicolas Sarkozy. Ils s’inquiètent en particulier des conséquences du cadeau de 15 milliards d'euros (qui aurait pu renflouer le trou de la Sécu) fait aux Français qui en ont le moins besoin avec l’objectif affiché de créer un «choc de confiance», censé relancer la croissance. Mais on ne fait pas de l’économie avec de la méthode Coué. Et, contrairement à Keynes qui préconisait de creuser le déficit public quand l'économie se portait bien, Sarkozy vide le bas-de-laine français en période de « croissance mollee ». Ce qui n’offre plus aucune souplesse en cas de crise, financière par exemple.
Au cœur de l’été comme n’importe quel dimanche de l’année, l’expert économique se doit d’être disponible pour la presse. Où qu'il soit, il trouvera dix minutes pour rappeler, avant l'heure de «bouclage», le journaliste qui lui a laissé un message sur sa boite e-mail ou son portable.
Car si le journaliste a besoin de l’expert pour lui apporter des éclaircissements sur un événement économique et ses répercussions possibles, la réciproque est évidemment vraie. Avoir (gratis !) son nom et celui de sa banque dans un article lui est précieux. L'ordre, la façon dont son analyse apparaît dans le corps de l'article, n'ont rien d'anodins. Et il ne le sait que trop bien.
Tacitement, les experts se jaugent à l’aune de ces citations parues dans la presse. Les banques qui les embauchent y trouvent a fortiori un intérêt en terme de «reconnaissance».
Certains experts ont même vu leur célébrité éclater en se montrant particulièrement disponibles avec les journalistes. Ils créent alors des blogs, des sites, voire leur propre société de conseil. La multiplicité des supports et l'exigence de rapidité (amplifiée avec le développement de la presse sur internet) offrent un boulevard de renommée à ceux qui savent comprendre et s'adapter à ces nouveaux impératifs médiatiques. On les lira ou entendra ainsi davantage que d’illustres confrères, peut-être plus « besogneux » et moins aguerris aux nouvelles techniques de communication.
Par ailleurs, les économistes sont également marqués politiquement. Le journaliste économique n'ignore par que ceux de l’Office français des conjonctures économiques ( OFCE) sont plutôt à gauche. A l'inverse de ceux qui travaillent dans les grandes banques, considérés comme davantage libéraux.
S’ils sont rarement d’accord, la quasi-unanimité des économistes critiquent cependant la politique économique de Nicolas Sarkozy. Ils s’inquiètent en particulier des conséquences du cadeau de 15 milliards d'euros (qui aurait pu renflouer le trou de la Sécu) fait aux Français qui en ont le moins besoin avec l’objectif affiché de créer un «choc de confiance», censé relancer la croissance. Mais on ne fait pas de l’économie avec de la méthode Coué. Et, contrairement à Keynes qui préconisait de creuser le déficit public quand l'économie se portait bien, Sarkozy vide le bas-de-laine français en période de « croissance mollee ». Ce qui n’offre plus aucune souplesse en cas de crise, financière par exemple.
dimanche 26 août 2007
Quand on substitue l'expert au journaliste (1)
Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
Si vous visitez la rédaction d’une station de radio (d’information continue ou non), vous serez surpris de découvrir devant les postes de travail des journalistes des listes de personnes assorties de leurs numéros de téléphone portable. Un examen attentif de ces listes permet de constater qu’elles collationnent les noms de tous les spécialistes identifiés dans chaque domaine de l’actualité.
Plus qu’un simple fichier, cet outil permet aux jeunes journalistes dénués de contacts personnels de pouvoir interroger rapidement des « experts ». Le fond n’importe peu. L’essentiel est que le journaliste puisse appuyer son texte d’information d’éléments sonores qui apparaissent comme des illustrations brèves – dix à vingt secondes - dans des interventions dont la durée d'antenne n’excède pas la minute. Ce système permet à la station de radio de convaincre les auditeurs qu’ils sont des privilégiés puisque les « experts » acceptent de délivrer leurs connaissances au grand public.
Tout ça part d’une apparente volonté d’expliciter l’événement le mieux possible.La réalité est moins glorieuse, nous retrouvons le principe des listes. Chacune est constituée par ordre décroissant de réputation, de « bruit médiatique » en quelque sorte. Le journaliste contacte chaque « expert » l’un après l’autre, la première réponse positive interrompt le balayage : le sonore est enregistré, l’intervention mise en onde. L’exigence de rapidité passe souvent avant celle de la qualité, de la crédibilité, voire de l’indépendance (par rapport à des organismes publics ou privés) de l’interviewé.
Je suis bien placé pour savoir, étant moi-même tenu pour un expert dans mes domaines de prédilection, la police et la sécurité. Au gré des événements, attentats, incidents de police ou autre fait divers, sans raison cohérente, j’apparais sur telle ou telle radio, suivant les besoins des jeunes journalistes, selon ma place dans la liste.
Si vous visitez la rédaction d’une station de radio (d’information continue ou non), vous serez surpris de découvrir devant les postes de travail des journalistes des listes de personnes assorties de leurs numéros de téléphone portable. Un examen attentif de ces listes permet de constater qu’elles collationnent les noms de tous les spécialistes identifiés dans chaque domaine de l’actualité.
Plus qu’un simple fichier, cet outil permet aux jeunes journalistes dénués de contacts personnels de pouvoir interroger rapidement des « experts ». Le fond n’importe peu. L’essentiel est que le journaliste puisse appuyer son texte d’information d’éléments sonores qui apparaissent comme des illustrations brèves – dix à vingt secondes - dans des interventions dont la durée d'antenne n’excède pas la minute. Ce système permet à la station de radio de convaincre les auditeurs qu’ils sont des privilégiés puisque les « experts » acceptent de délivrer leurs connaissances au grand public.
Tout ça part d’une apparente volonté d’expliciter l’événement le mieux possible.La réalité est moins glorieuse, nous retrouvons le principe des listes. Chacune est constituée par ordre décroissant de réputation, de « bruit médiatique » en quelque sorte. Le journaliste contacte chaque « expert » l’un après l’autre, la première réponse positive interrompt le balayage : le sonore est enregistré, l’intervention mise en onde. L’exigence de rapidité passe souvent avant celle de la qualité, de la crédibilité, voire de l’indépendance (par rapport à des organismes publics ou privés) de l’interviewé.
Je suis bien placé pour savoir, étant moi-même tenu pour un expert dans mes domaines de prédilection, la police et la sécurité. Au gré des événements, attentats, incidents de police ou autre fait divers, sans raison cohérente, j’apparais sur telle ou telle radio, suivant les besoins des jeunes journalistes, selon ma place dans la liste.
jeudi 9 août 2007
Coulisses de la tournée africaine de Sarkozy
Par Abdoulaye Yade, journaliste français, ayant fait partie de la délégation présidentielle
« Sarkozy, c’est la mort du off », soupirait un journaliste au cours de la récente tournée africaine du Président (mais parle-t-on de « tournée » quand un spectacle n’a que trois « dates » ?). Comme durant la campagne, le nouveau locataire de l’Élysée est accessible et lance les petites phrases à tout va, mettant à bas le sacro-saint principe du « off the record » selon lequel les journalistes gardent pour eux certains propos de leurs interlocuteurs. En effet, cette fois comme lors de son récent voyage au Maghreb, Nicolas Sarkozy a rencontré la « presse accréditée » (celle qui suit le déplacement officiel) hors-micro et hors-caméra, mais sans que soit signifié aux rédacteurs le caractère « non-citable » des propos présidentiels. Ceux-ci se retrouvent donc dans la presse du lendemain ou du surlendemain, selon l’heure parfois tardive de la rencontre, avec généralement la précision de contexte qui s’impose : « au cours d’une rencontre informelle avec la presse», etc.
Ceux qui connurent les premiers voyages officiels de Jacques Chirac se souviennent de ces rencontres encore plus informelles au cours desquelles on pouvait discuter avec le président au bar de l’hôtel, en l’accompagnant dans sa dégustation de la sacro-sainte bière Corona. En apprenait-on plus pour autant ? C’est douteux. Car Nicolas Sarkozy parle, plaide, ment, cherche à convaincre. Le ton n’est pas vraiment celui d’une conférence de presse, les propos sont moins policés, le président lance quelques flèches empoisonnées qu’il garderait pour lui devant les caméras. Ainsi lorsqu’il ironise sur le fait qu’il « n’a pas le carnet d’adresse de Jean-François Probst » (ancien conseiller de Chirac) en Afrique, trait juste destiné à être rapporté dans le microcosme. Il n’hésite pas non plus à sermonner avec un agacement ostensible la gent journalistique qui a osé critiquer le discours hallucinant écrit par Henri Guaino sur l’« Homme africain » qui « jamais ne s’élancera vers l’avenir » et vit « dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance »
« Vos papiers me font penser à ce que vous écriviez sur moi pendant la campagne, grogne le président au pseudo-off de Libreville. Et j’ai fait 31% au premier tour. Ça devrait vous inciter à réfléchir sur vous-mêmes. » Il faut dire que Nicolas Sarkozy avait en face de lui, en gros, trois catégories de journalistes : des muets (généralement par ignorance des dossiers africains), quelques représentants de commerce venus vendre aux présidents visités des pages de pub dans leurs magazines complaisants, et une poignée de rubricards Afrique de la presse nationale relativement hargneux. Considéré comme leur « meneur », Vincent Hugeux, de l’Express, se verra d’ailleurs passer un savon par un conseiller élyséen, à la fin d’un voyage dont il a relaté les coulisses d’une plume acerbe.
On lui saura gré d’avoir listé dans l’édition papier de son magazine une partie des splendides lapsus du Président. Rien que pour cela – faire se gondoler ceux qui savent que Kinshasa n’est plus la capitale du « Zaïre » et encore moins celle du Congo-Brazzaville – il faut inciter le Président à pérenniser ces « off » qui n’en sont plus. Et dont l’un des intérêts est apparemment pour lui, ce n’est pas lui faire offense, de contempler les jolies consoeurs dépêchées par les rédactions parisiennes. Parfois très court vêtues, même à Tripoli. Ce n’est pas la moindre des conséquences de la chute de la maison Chirac que de constater le rajeunissement et la féminisation de la cohorte de journalistes appelée à couvrir un tel déplacement. Exit les vieilles gloires liftées de l’ORTF, place aux jeunes premières des chaînes d’info en continu, habituées à être reconnues par leur voisinage et qui vous regardent de haut quand vous leur demandez benoîtement où elles bossent. Elles ont pour interlocuteurs quelques jeunes loups élyséens à la mèche impeccable, dont la préoccupation est plus de savoir s’ils auront le temps de sortir en boîte en marge du « V.O. » que d’informer utilement la presse. Si ça n’est pas la « rupture », ça…
dimanche 15 juillet 2007
Pourquoi les journalistes se rebellent-ils (enfin) ?
Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
Avis de tempête. Un fort vent de révolte souffle sur la profession. Il a poussé les journalistes des Echos à trouver un chevalier blanc (Fimalac, groupe français de services financiers) pour contrer l’assaut d’Arnault (LVMH). Il force leurs confrères de la Tribune (que possède et devra vendre le même LVMH) à se battre pour que le titre soit cédé avec sa régie publicitaire (55% des revenus). Il amène les journalistes du Monde à demander à Alain Minc (conseiller des patrons du Cac 40 et de l’Elysée !) de quitter la présidence du conseil de surveillance du journal. Au nom d’une même nécessité : l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers et politiques. Et d’un même principe: le pluralisme de la presse, inscrit, rappelons-le, dans le préambule de la Constitution.
Rachats des principaux titres par d’influents groupes industriels (Dassault, Lagardère, Arnault, Bolloré …). Multiplication des cas de censure. Banalisation de l’autocensure. Chantages au droit de veto des journalistes sur des décisions stratégiques ou la nomination de dirigeants (Libération). Perquisitions pour connaître les sources (Canard Enchaîné). Ces couleuvres, les 38.000 journalistes français les ont (trop) docilement avalées ces dernières années. La faute au marché du travail (sinistré). A l’individualisme. A la difficulté de mobiliser une profession extrêmement diverse (par les supports, les salaires, la quantité de travail…).
Seulement, aujourd’hui, les journalistes n’ont plus le choix. Il en va de l’honneur, sinon de la survie, de la profession. Car la boîte de Pandore est ouverte. Dans leurs récents combats, les journalistes ont, exemples à l’appui, confié leurs craintes ou leurs difficultés d’exercer honnêtement leur métier dans certaines circonstances. Qu’on le veille ou pas, le doute s’insinuera plus facilement. Et le discrédit à l’égard des journalistes risque de croître.
C’est pourquoi, il faut aller jusqu’au bout. Revendiquer les moyens de notre indépendance. Mais aussi savoir faire notre autocritique. Sortir du train-train. Réapprendre à étonner, passionner, enquêter. Pour reconquérir l’estime de la population.
Sans cette estime; comment obtenir son adhésion pour, par exemple, s’opposer à la modification du statut des journalistes, que la droite serait parvenue à faire passer en catimini. La réécriture du code du travail, validée par ordonnance en mars 2007, pourrait en effet avoir des lourdes conséquences. D’après les syndicats, il n’y serait plus fait mention du mois de salaire par année d'ancienneté auquel a droit un journaliste en cas de licenciement. Cette « clause de conscience ou de cession » est, depuis l’entre-deux-guerres, l’un des garants de l’indépendance de la profession.
Exorbitante du droit commun, elle permet à un journaliste, en cas de changement notable d'orientation de la publication, de partir avec des indemnités, comme si le départ n'était pas de son fait. Dans ce contexte de rachats, la révision à la baisse de ces indemnités permettrait de réduire le coût des plans de restructuration. Une aubaine pour les amis de Sarkozy, qui font actuellement leur marché dans les médias français.
Avis de tempête. Un fort vent de révolte souffle sur la profession. Il a poussé les journalistes des Echos à trouver un chevalier blanc (Fimalac, groupe français de services financiers) pour contrer l’assaut d’Arnault (LVMH). Il force leurs confrères de la Tribune (que possède et devra vendre le même LVMH) à se battre pour que le titre soit cédé avec sa régie publicitaire (55% des revenus). Il amène les journalistes du Monde à demander à Alain Minc (conseiller des patrons du Cac 40 et de l’Elysée !) de quitter la présidence du conseil de surveillance du journal. Au nom d’une même nécessité : l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers et politiques. Et d’un même principe: le pluralisme de la presse, inscrit, rappelons-le, dans le préambule de la Constitution.
Rachats des principaux titres par d’influents groupes industriels (Dassault, Lagardère, Arnault, Bolloré …). Multiplication des cas de censure. Banalisation de l’autocensure. Chantages au droit de veto des journalistes sur des décisions stratégiques ou la nomination de dirigeants (Libération). Perquisitions pour connaître les sources (Canard Enchaîné). Ces couleuvres, les 38.000 journalistes français les ont (trop) docilement avalées ces dernières années. La faute au marché du travail (sinistré). A l’individualisme. A la difficulté de mobiliser une profession extrêmement diverse (par les supports, les salaires, la quantité de travail…).
Seulement, aujourd’hui, les journalistes n’ont plus le choix. Il en va de l’honneur, sinon de la survie, de la profession. Car la boîte de Pandore est ouverte. Dans leurs récents combats, les journalistes ont, exemples à l’appui, confié leurs craintes ou leurs difficultés d’exercer honnêtement leur métier dans certaines circonstances. Qu’on le veille ou pas, le doute s’insinuera plus facilement. Et le discrédit à l’égard des journalistes risque de croître.
C’est pourquoi, il faut aller jusqu’au bout. Revendiquer les moyens de notre indépendance. Mais aussi savoir faire notre autocritique. Sortir du train-train. Réapprendre à étonner, passionner, enquêter. Pour reconquérir l’estime de la population.
Sans cette estime; comment obtenir son adhésion pour, par exemple, s’opposer à la modification du statut des journalistes, que la droite serait parvenue à faire passer en catimini. La réécriture du code du travail, validée par ordonnance en mars 2007, pourrait en effet avoir des lourdes conséquences. D’après les syndicats, il n’y serait plus fait mention du mois de salaire par année d'ancienneté auquel a droit un journaliste en cas de licenciement. Cette « clause de conscience ou de cession » est, depuis l’entre-deux-guerres, l’un des garants de l’indépendance de la profession.
Exorbitante du droit commun, elle permet à un journaliste, en cas de changement notable d'orientation de la publication, de partir avec des indemnités, comme si le départ n'était pas de son fait. Dans ce contexte de rachats, la révision à la baisse de ces indemnités permettrait de réduire le coût des plans de restructuration. Une aubaine pour les amis de Sarkozy, qui font actuellement leur marché dans les médias français.
Libellés :
clause de conscience,
indépendance
mercredi 11 juillet 2007
L’avenir de Rue89 dépendra aussi de la pub
Par Philippe Madelin, collaborateur régulier à Rue89
Les bureaux du nouveau site d'information sur Internet Rue89 vont déménager pour la troisième fois. Pierre Haski, ex de Libération, et son équipe ont commencé les opérations à la mi-mai dans sa salle à manger. Ils ont continué dans un entrepôt du 12ème arrondissement. Cette fois, ils s’apprêtent à emménager dans une pépinière d'entreprises développée par la Ville de Paris dans le 20ème arrondissement. Au gré de ces localisations, la bande de Rue89 peut mesurer le chemin parcouru en à peine trois mois.
L'idée de départ était de lancer sur internet, et uniquement sur internet, un véritable organe de presse. Avec une dizaine de journalistes. Toutes les rubriques d'un quotidien. Mais une spécificité inaccessible à la presse papier : un contenu composé à la fois d'écrits, de photos et d'importants apports audiovisuels. Le tout sans grands moyens puisque l'investissement initial a été constitué par les « indemnités de départ » d'Haski et de ses proches, en majorité issus de Libération, et par le matériel que chacun a apporté.
Le défi était d'imposer le site, sa marque, sans support papier. Un " scoop coup de chance " a lancé la machine, quand Rue89 a révélé que Cécilia Sarkozy n'avait pas voté au premier tour des Présidentielles. Depuis le site met l'accent sur l'information exclusive.
Rue89 s'est installé dans la foulée. « On en est à 500 000 contacts par mois », selon Haski, ce qui représente la moyenne haute des sites informatiques. Le site se décline aujourd'hui en anglais (Street89) et en espagnol (Calle89). D'autres développements sont prévus. En particulier, le lancement le 5 septembre sous la direction de Jérôme Garcin d'un site littéraire commun avec le Nouvel Observateur, bibliobs.com. Mais, surtout, la publicité arrive : Haski n'escomptait pas de rentrées financières avant quatre mois, or les premiers contrats de publicité (au tarif minimum il est vrai) permettent de remplir un peu les caisses. Même si on est très loin de l'équilibre. Même si les journalistes ne sont pas encore payés : ils ne sont pas des bénévoles, ils investissent dans l'avenir.
Après deux mois, il est difficile de se prononcer sur l'avenir. Apprécié des internautes, le site est encore loin d'assurer toutes les rubriques d'un quotidien, le politique a tendance à être sur-représenté. Quant au bénévolat des collaborateurs extérieurs (experts, internautes), il a vite présenté les inconvénients attendus : malgré la bonne volonté des uns et des autres, la capacité d'enquête reste relativement virtuelle.
L'avenir se jouera quand les fonds initiaux seront épuisés. Au regard du chiffre d'affaires de la pub.
Les bureaux du nouveau site d'information sur Internet Rue89 vont déménager pour la troisième fois. Pierre Haski, ex de Libération, et son équipe ont commencé les opérations à la mi-mai dans sa salle à manger. Ils ont continué dans un entrepôt du 12ème arrondissement. Cette fois, ils s’apprêtent à emménager dans une pépinière d'entreprises développée par la Ville de Paris dans le 20ème arrondissement. Au gré de ces localisations, la bande de Rue89 peut mesurer le chemin parcouru en à peine trois mois.
L'idée de départ était de lancer sur internet, et uniquement sur internet, un véritable organe de presse. Avec une dizaine de journalistes. Toutes les rubriques d'un quotidien. Mais une spécificité inaccessible à la presse papier : un contenu composé à la fois d'écrits, de photos et d'importants apports audiovisuels. Le tout sans grands moyens puisque l'investissement initial a été constitué par les « indemnités de départ » d'Haski et de ses proches, en majorité issus de Libération, et par le matériel que chacun a apporté.
Le défi était d'imposer le site, sa marque, sans support papier. Un " scoop coup de chance " a lancé la machine, quand Rue89 a révélé que Cécilia Sarkozy n'avait pas voté au premier tour des Présidentielles. Depuis le site met l'accent sur l'information exclusive.
Rue89 s'est installé dans la foulée. « On en est à 500 000 contacts par mois », selon Haski, ce qui représente la moyenne haute des sites informatiques. Le site se décline aujourd'hui en anglais (Street89) et en espagnol (Calle89). D'autres développements sont prévus. En particulier, le lancement le 5 septembre sous la direction de Jérôme Garcin d'un site littéraire commun avec le Nouvel Observateur, bibliobs.com. Mais, surtout, la publicité arrive : Haski n'escomptait pas de rentrées financières avant quatre mois, or les premiers contrats de publicité (au tarif minimum il est vrai) permettent de remplir un peu les caisses. Même si on est très loin de l'équilibre. Même si les journalistes ne sont pas encore payés : ils ne sont pas des bénévoles, ils investissent dans l'avenir.
Après deux mois, il est difficile de se prononcer sur l'avenir. Apprécié des internautes, le site est encore loin d'assurer toutes les rubriques d'un quotidien, le politique a tendance à être sur-représenté. Quant au bénévolat des collaborateurs extérieurs (experts, internautes), il a vite présenté les inconvénients attendus : malgré la bonne volonté des uns et des autres, la capacité d'enquête reste relativement virtuelle.
L'avenir se jouera quand les fonds initiaux seront épuisés. Au regard du chiffre d'affaires de la pub.
mardi 3 juillet 2007
Gros plan sur le système Minc
Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
Demain, des représentants des salariés du Monde rendront publique une lettre ouverte dans laquelle ils demandent à Alain Minc de partir. Ce conseiller pour entreprises du Cac40 et essayiste à succès tire les ficelles du journal depuis 1994. Jeudi dernier, il n’a pas été réélu au poste de président du Conseil de surveillance du groupe (il lui fallait 11 voix pour avoir la majorité absolue, il n’en a eu que dix). Son premier réflexe a été de contester le vote, comme Colombani l’avait fait quelques semaines plus tôt. Cependant, il n’a pas assisté à la nouvelle réunion du Conseil de surveillance de ce matin, qui a notamment élu en son sein Pierre Jeantet, le nouveau directeur de la rédaction.
Que prépare-t-il ? Un recours devant le tribunal, comme il l’a évoqué ? Un bon conseiller l'en dissuaderait. Un tel acharnement à rester dans un organe de presse, contre l’avis de la majorité des salariés et des journalistes, risquerait d’attirer l’attention sur le système Minc. Et de donner un nouveau coup de projecteur sur " Petits Conseils " (Stock), le livre de Laurent Mauduit. Son auteur a démissionné de son poste de chef du service économique du Monde après s’être fait censurer une enquête sur les Caisses d’épargne. Par la suite, il a découvert que la banque était non seulement conseillée par Alain Minc, mais qu’elle avait été invitée à renflouer les caisses du Monde.
Ce n’est que l’un des nombreux exemples de conflits d’intérêts détaillés dans le livre. Dans les projets de fusions (souvent fumeux) qu’il tente de provoquer, Minc peut conseiller, sans vergogne, à la fois le prédateur, la proie, voire le « chevalier blanc ». De nombreux patrons, qui se sont sentis trahis par leur conseiller, ont confié leur déboires à Mauduit. On y apprend aussi que Minc touche 1% des plus-values que réalise Vincent Bolloré, patrons de médias concurrents (Direct 8, Direct Soir) ou … commun (Matin plus) ! Mais aussi qu’il conseillait Edouard Rothschild lorsqu’on évoquait la disparition possible de Libération si les journalistes n’acceptaient pas le plan social et la renonciation à une partie de leurs droits de véto.
Portrait peu reluisant. Mais ce qui a fait déborder la goutte du vase pour les journalistes du Monde est l’amitié affichée de Minc pour Nicolas Sarkozy. Qu’il se vante même de conseiller. Son ami lui trouvera peut-être une place dans une grande entreprise (mais il n’a jamais brillé en tant que gestionnaire) ou dans un ministère. Un poste qui offrirait à Alain une porte de sortie honorable. Et à Nicolas, l’économie d’un énième procès sur l’indépendance discutable du système médiatique français. Des papiers commencent à paraître dans la presse internationale. La main invisible de Nicolas dans les médias offre une image peu flatteuse de la démocratie française.
Demain, des représentants des salariés du Monde rendront publique une lettre ouverte dans laquelle ils demandent à Alain Minc de partir. Ce conseiller pour entreprises du Cac40 et essayiste à succès tire les ficelles du journal depuis 1994. Jeudi dernier, il n’a pas été réélu au poste de président du Conseil de surveillance du groupe (il lui fallait 11 voix pour avoir la majorité absolue, il n’en a eu que dix). Son premier réflexe a été de contester le vote, comme Colombani l’avait fait quelques semaines plus tôt. Cependant, il n’a pas assisté à la nouvelle réunion du Conseil de surveillance de ce matin, qui a notamment élu en son sein Pierre Jeantet, le nouveau directeur de la rédaction.
Que prépare-t-il ? Un recours devant le tribunal, comme il l’a évoqué ? Un bon conseiller l'en dissuaderait. Un tel acharnement à rester dans un organe de presse, contre l’avis de la majorité des salariés et des journalistes, risquerait d’attirer l’attention sur le système Minc. Et de donner un nouveau coup de projecteur sur " Petits Conseils " (Stock), le livre de Laurent Mauduit. Son auteur a démissionné de son poste de chef du service économique du Monde après s’être fait censurer une enquête sur les Caisses d’épargne. Par la suite, il a découvert que la banque était non seulement conseillée par Alain Minc, mais qu’elle avait été invitée à renflouer les caisses du Monde.
Ce n’est que l’un des nombreux exemples de conflits d’intérêts détaillés dans le livre. Dans les projets de fusions (souvent fumeux) qu’il tente de provoquer, Minc peut conseiller, sans vergogne, à la fois le prédateur, la proie, voire le « chevalier blanc ». De nombreux patrons, qui se sont sentis trahis par leur conseiller, ont confié leur déboires à Mauduit. On y apprend aussi que Minc touche 1% des plus-values que réalise Vincent Bolloré, patrons de médias concurrents (Direct 8, Direct Soir) ou … commun (Matin plus) ! Mais aussi qu’il conseillait Edouard Rothschild lorsqu’on évoquait la disparition possible de Libération si les journalistes n’acceptaient pas le plan social et la renonciation à une partie de leurs droits de véto.
Portrait peu reluisant. Mais ce qui a fait déborder la goutte du vase pour les journalistes du Monde est l’amitié affichée de Minc pour Nicolas Sarkozy. Qu’il se vante même de conseiller. Son ami lui trouvera peut-être une place dans une grande entreprise (mais il n’a jamais brillé en tant que gestionnaire) ou dans un ministère. Un poste qui offrirait à Alain une porte de sortie honorable. Et à Nicolas, l’économie d’un énième procès sur l’indépendance discutable du système médiatique français. Des papiers commencent à paraître dans la presse internationale. La main invisible de Nicolas dans les médias offre une image peu flatteuse de la démocratie française.
dimanche 1 juillet 2007
Les Echos, cent ans d’indépendance et après ?
Par Renaud Czarnes, de la Société des journalistes des Echos
Les quotidiens économiques Les Echos et La Tribune sont en vente. Le groupe d’édition britannique Pearson a annoncé mi-juin le processus de cession des Echos puis, sous la pression, a concédé être en négociation exclusive avec Bernard Arnault, patron du groupe LVMH, lequel se séparerait d’une partie de La Tribune. Il ne pourrait s'agir que d’un énième événement économique. Après tout, qu’un chef d’entreprise vende une entreprise pour en racheter une autre est un acte courant dans la vie des affaires. « De quoi vous plaignez-vous, vous qui, à longueur de colonnes, évoquez les OPA, les cessions d’entreprises et les plans sociaux ? », nous ont dit en substance certains confrères journalistes. La rédaction des Echos, si prompte à narrer les hauts-faits du capitalisme ne saurait plus à quel saint se vouer dès lors qu’elle n’est plus témoin mais acteur (ou victime). C’est mal comprendre de quoi il est question que de raisonner ainsi.
La cession éventuelle des Echos à Arnault, ou à tout autre industriel français, met en péril l’indépendance et la crédibilité qui font le succès de ce quotidien depuis presque un siècle. Bernard Arnault, président de LVMH, détient personnellement ou par l’intermédiaire de ses sociétés des intérêts dans de nombreux secteurs industriels. Numéro un mondial du luxe (Louis Vuitton, Dior…), il est actionnaire du distributeur Carrefour et investisseur à titre individuel dans plusieurs fonds. En résumé, LVMH est le groupe industriel avec lequel il y a le plus de risques de conflits d’intérêts.
Conflit d'intérêts
Pour acquérir les Echos, le patron de LVMH offrirait un prix extrêmement élevé. On évoque le chiffre de 250 millions d’euros, soit 25 fois le résultat opérationnel du quotidien. Cette somme lui a permis d’écarter les autres prétendants et d’entrer en négociations exclusives avec Pearson (qui, remarquons-le en passant, profite grandement ici du dévouement et de l’abnégation des salariés du groupe Les Echos). L’enjeu n’est pas seulement financier. Il s’agit aussi de disposer à travers le premier quotidien économique français d’un instrument d’influence et de pouvoir.
A certains égards, Les Echos ressemblent à une agence de presse écrite dans le domaine de l’information économique. Nos lecteurs nous le disent : quand ils nous ont lu, ils ont le sentiment de n’avoir rien raté. Comment nos lecteurs pourront-ils s’informer de façon fiable sur la multitude de domaines d’activités dans lesquels le groupe de Bernard Arnault est présent ? Comment garantir aux concurrents de LVMH un traitement équitable ? Les journalistes seront en situation de conflit d’intérêt permanent. Même si Bernard Arnault n’intervient pas dans les choix éditoriaux, la marque « Les Echos » risque d’être ternie par des soupçons permanents de conflits d’intérêts. Qui aurait foi en un journal automobile qui appartiendrait à un constructeur comme Peugeot ou Renault ?En dépit de sa promesse de préserver l’indépendance éditoriale du journal, certains doutes sont permis. Nos collègues du journal La Tribune ont à plusieurs reprises protesté contre des interventions manifestes sur le contenu rédactionnel. Pourrait-il en être autrement pour les Echos ? Imagine-t-on quelqu’un s’acheter une Ferrari pour en laisser le volant à quelqu’un d’autre ?
Vous rêvez les gars !
« Depuis quand les salariés choisissent-ils leur patron ? Mais vous rêvez les gars ! », nous a lancé la semaine dernière un proche du président de la République. Il trouvait bien peu libéraux les représentants d’un journal libéral. Alors oui, depuis quand ? Depuis que l’arrivée possible d’un nouvel actionnaire de référence pose la question de la crédibilité éditoriale et, à terme, de la valeur de l’entreprise. Logiquement, l’expression « création de valeur » sonne agréablement aux oreilles des thuriféraires du marché. Justement, cette cession, si elle se réalise, serait « destructrice de valeur ». Perte d’indépendance = perte de crédit = baisse d’audience. La suite est simple. Une condition essentielle de l’optimum économique du système libéral est la transparence et la qualité de l’information : les Echos ne peuvent devenir la propriété d’un des principaux acteurs du marché financier. CQFD.
Les quotidiens économiques Les Echos et La Tribune sont en vente. Le groupe d’édition britannique Pearson a annoncé mi-juin le processus de cession des Echos puis, sous la pression, a concédé être en négociation exclusive avec Bernard Arnault, patron du groupe LVMH, lequel se séparerait d’une partie de La Tribune. Il ne pourrait s'agir que d’un énième événement économique. Après tout, qu’un chef d’entreprise vende une entreprise pour en racheter une autre est un acte courant dans la vie des affaires. « De quoi vous plaignez-vous, vous qui, à longueur de colonnes, évoquez les OPA, les cessions d’entreprises et les plans sociaux ? », nous ont dit en substance certains confrères journalistes. La rédaction des Echos, si prompte à narrer les hauts-faits du capitalisme ne saurait plus à quel saint se vouer dès lors qu’elle n’est plus témoin mais acteur (ou victime). C’est mal comprendre de quoi il est question que de raisonner ainsi.
La cession éventuelle des Echos à Arnault, ou à tout autre industriel français, met en péril l’indépendance et la crédibilité qui font le succès de ce quotidien depuis presque un siècle. Bernard Arnault, président de LVMH, détient personnellement ou par l’intermédiaire de ses sociétés des intérêts dans de nombreux secteurs industriels. Numéro un mondial du luxe (Louis Vuitton, Dior…), il est actionnaire du distributeur Carrefour et investisseur à titre individuel dans plusieurs fonds. En résumé, LVMH est le groupe industriel avec lequel il y a le plus de risques de conflits d’intérêts.
Conflit d'intérêts
Pour acquérir les Echos, le patron de LVMH offrirait un prix extrêmement élevé. On évoque le chiffre de 250 millions d’euros, soit 25 fois le résultat opérationnel du quotidien. Cette somme lui a permis d’écarter les autres prétendants et d’entrer en négociations exclusives avec Pearson (qui, remarquons-le en passant, profite grandement ici du dévouement et de l’abnégation des salariés du groupe Les Echos). L’enjeu n’est pas seulement financier. Il s’agit aussi de disposer à travers le premier quotidien économique français d’un instrument d’influence et de pouvoir.
A certains égards, Les Echos ressemblent à une agence de presse écrite dans le domaine de l’information économique. Nos lecteurs nous le disent : quand ils nous ont lu, ils ont le sentiment de n’avoir rien raté. Comment nos lecteurs pourront-ils s’informer de façon fiable sur la multitude de domaines d’activités dans lesquels le groupe de Bernard Arnault est présent ? Comment garantir aux concurrents de LVMH un traitement équitable ? Les journalistes seront en situation de conflit d’intérêt permanent. Même si Bernard Arnault n’intervient pas dans les choix éditoriaux, la marque « Les Echos » risque d’être ternie par des soupçons permanents de conflits d’intérêts. Qui aurait foi en un journal automobile qui appartiendrait à un constructeur comme Peugeot ou Renault ?En dépit de sa promesse de préserver l’indépendance éditoriale du journal, certains doutes sont permis. Nos collègues du journal La Tribune ont à plusieurs reprises protesté contre des interventions manifestes sur le contenu rédactionnel. Pourrait-il en être autrement pour les Echos ? Imagine-t-on quelqu’un s’acheter une Ferrari pour en laisser le volant à quelqu’un d’autre ?
Vous rêvez les gars !
« Depuis quand les salariés choisissent-ils leur patron ? Mais vous rêvez les gars ! », nous a lancé la semaine dernière un proche du président de la République. Il trouvait bien peu libéraux les représentants d’un journal libéral. Alors oui, depuis quand ? Depuis que l’arrivée possible d’un nouvel actionnaire de référence pose la question de la crédibilité éditoriale et, à terme, de la valeur de l’entreprise. Logiquement, l’expression « création de valeur » sonne agréablement aux oreilles des thuriféraires du marché. Justement, cette cession, si elle se réalise, serait « destructrice de valeur ». Perte d’indépendance = perte de crédit = baisse d’audience. La suite est simple. Une condition essentielle de l’optimum économique du système libéral est la transparence et la qualité de l’information : les Echos ne peuvent devenir la propriété d’un des principaux acteurs du marché financier. CQFD.
Un clan se partage les médias
Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
Un petit nombre d’industriels continuent de jouer au monopoly avec les médias français. Bernard Arnault (LVMH) a mis un gros chèque sur la table pour s’offrir le journal économique Les Echos, mis en vente par le britannique Pearson (Financial Times …). L’homme le plus riche de France possède déjà son concurrent La Tribune, qu’il pourrait céder à Vincent Bolloré, autre industriel propriétaire de médias (Direct 8, Direct soir, Matin plus…). Et alors, où est le problème ? Il faut bien de l’argent pour financer des organes de presse, de surcroît souvent déficitaires et/ou endettés.
Peut-être, mais la démocratie française sortirait grandie si ses journaux appartenaient, comme ailleurs, à des groupes spécialisés dans la presse et l’édition. Et non, comme en France, à des industriels, officiant dans le luxe (LVMH), l’armement (Dassault) ou les matières premières (Bolloré). Cela éviterait le mélange des genres. Il est délicat, en effet, pour un journaliste d’avoir à écrire sur une des nombreuses autres entreprises de son propre patron. Il est inquiétant, surtout, pour la démocratie et le pluralisme de la presse que ces mêmes patrons affichent publiquement leur amitié pour Nicolas Sarkozy.
La plupart ont levé la coupette au Fouquet’s le soir de l’élection de leur ami. S’y trouvait notamment Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde. Ce conseiller des dirigeants du Cac 40 et des patrons des médias (Bolloré ou Rothschild/ Libération) se vante désormais de prodiguer ses petits conseils à Nicolas Sarkozy. Furieuse, la Société des Rédacteurs du Monde a voté une motion de défiance à son égard. Elle « s’inquiète des activités de conseil d’Alain Minc qui interfèrent avec la vie du groupe Le Monde et de ses prises de position publiques qui jettent un doute sur l’indépendance et la crédibilité de ses publications ». Minc n’a pas été réélu à la tête du Conseil de surveillance jeudi dernier. Mais, comme à son habitude, il n’a sans doute pas dit son dernier mot …
Cette semaine sera décisive pour l’avenir des Echos, de La Tribune et du Monde. Les journalistes de ces rédactions ne veulent plus faire les frais du jeu de monopoly entre quelques barons. Qui constitue un repoussoir pour les lecteurs. Le moment est donc peut-être venu d’engager un grand débat citoyen sur l’indépendance et le pluralisme des médias. Des garde-fous sont à sauvegarder (droits moraux, droits de véto des journalistes que l'on essaye, un peu partout, de remettre de cause) ou à imaginer (avec les lecteurs) pour que la presse redevienne le contre-pouvoir, nécessaire à toute démocratie.
Un petit nombre d’industriels continuent de jouer au monopoly avec les médias français. Bernard Arnault (LVMH) a mis un gros chèque sur la table pour s’offrir le journal économique Les Echos, mis en vente par le britannique Pearson (Financial Times …). L’homme le plus riche de France possède déjà son concurrent La Tribune, qu’il pourrait céder à Vincent Bolloré, autre industriel propriétaire de médias (Direct 8, Direct soir, Matin plus…). Et alors, où est le problème ? Il faut bien de l’argent pour financer des organes de presse, de surcroît souvent déficitaires et/ou endettés.
Peut-être, mais la démocratie française sortirait grandie si ses journaux appartenaient, comme ailleurs, à des groupes spécialisés dans la presse et l’édition. Et non, comme en France, à des industriels, officiant dans le luxe (LVMH), l’armement (Dassault) ou les matières premières (Bolloré). Cela éviterait le mélange des genres. Il est délicat, en effet, pour un journaliste d’avoir à écrire sur une des nombreuses autres entreprises de son propre patron. Il est inquiétant, surtout, pour la démocratie et le pluralisme de la presse que ces mêmes patrons affichent publiquement leur amitié pour Nicolas Sarkozy.
La plupart ont levé la coupette au Fouquet’s le soir de l’élection de leur ami. S’y trouvait notamment Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde. Ce conseiller des dirigeants du Cac 40 et des patrons des médias (Bolloré ou Rothschild/ Libération) se vante désormais de prodiguer ses petits conseils à Nicolas Sarkozy. Furieuse, la Société des Rédacteurs du Monde a voté une motion de défiance à son égard. Elle « s’inquiète des activités de conseil d’Alain Minc qui interfèrent avec la vie du groupe Le Monde et de ses prises de position publiques qui jettent un doute sur l’indépendance et la crédibilité de ses publications ». Minc n’a pas été réélu à la tête du Conseil de surveillance jeudi dernier. Mais, comme à son habitude, il n’a sans doute pas dit son dernier mot …
Cette semaine sera décisive pour l’avenir des Echos, de La Tribune et du Monde. Les journalistes de ces rédactions ne veulent plus faire les frais du jeu de monopoly entre quelques barons. Qui constitue un repoussoir pour les lecteurs. Le moment est donc peut-être venu d’engager un grand débat citoyen sur l’indépendance et le pluralisme des médias. Des garde-fous sont à sauvegarder (droits moraux, droits de véto des journalistes que l'on essaye, un peu partout, de remettre de cause) ou à imaginer (avec les lecteurs) pour que la presse redevienne le contre-pouvoir, nécessaire à toute démocratie.
vendredi 29 juin 2007
L'" Embedded ", le reporter embarqué
Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
Comment passe-t-on du statut de journaliste ordinaire à celui d'’« embedded », ce mot américain devenu courant dans le métier que je traduis par « embarqué » ? Pourquoi s'offusque-t-on soudain d'une pratique ancienne, pour ne pas dire généralisée ? Parce que l'armée américaine aurait systématisé ce statut à partir de la guerre du Golfe en 1991 ?
Comme tous les journalistes actifs, j'ai été « embedded » à de nombreuses reprises dans ma carrière. En 1991, notamment. Non aux côtés des Américains, mais à l'initiative d'un ministre français. Reporter à TF1, je ne suis pas appelé à suivre les opérations sur le terrain. On estime que ma santé et mon âge ne le permettent pas. Je m'investis donc dans les affaires de prisonniers et d'otages. J’ai alors l’occasion d’interviewer Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État chargé de l'Action humanitaire dans le gouvernement Rocard. Il me propose de couvrir une mission extraordinaire. « Mon cabinet va vous arranger les rendez-vous », me propose-t-il. Il nous arrange un embarquement dans un des avions-cargos affrétés pour les besoins du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Avec un cameraman et un sondier, nous nous envolons pour Le Caire, Doha (Qatar), Karachi (Pakistan), où sous l'œil attentif du Consul de France nous filmons le chargement de tentes pour plusieurs milliers de réfugiés.C'est très exactement une mission « embedded ». TF1 ne finance rien, ne choisit ni les modalités de voyage, ni l'objectif. Il s'agit simplement de promouvoir l'image de la France comme bienfaitrice de l'humanité.
Capa déjà " embedded "
Ce type de « missions journalistiques » est né avec les guerres modernes où la propagande est devenue une arme. La France s'y est mise dès la Première guerre mondiale. Les « correspondants de guerre » sont gérés par les états-majors, ils portent des uniformes militaires, on leur attribue des grades, commandant ou colonel. Ils sont conduits sur les théâtres d'opération pour pouvoir « rendre compte objectivement » des événements, c'est-à-dire dans le sens voulu par les généraux. On fournit aux journalistes plus ou moins intégrés dans les unités de combat matériel et protection, ce qui n'exclut pas les risques. Le reporter de guerre devient un soldat comme les autres.Le système sera développé lors de tous les conflits suivants.
Lors du débarquement américain en Normandie, les armées US sont accompagnées par une nuée de reporters de choc. Le caporal Samuel Fuller, caméra au poing, débarque avec la troisième vague, parmi les premiers sur la plage d'Omaha-Beach. Fuller deviendra l'un des plus grands cinéastes de guerre et ses images tournées « live », et en couleurs, un matériau indispensable. Les images les plus spectaculaires sont « shootées » par le photographe hongrois Robert Capa, alias de Endre Ernô Friedmann. Lui aussi intégré dans les unités de combat, il espère ainsi conquérir sa nationalité américaine. Capa sera tué en 1954 au Viêt-Nam alors qu'il opère aux côtés des troupes françaises.
La pratique du "off"
Une question brûle les lèvres : pourquoi les journalistes habituellement si prompts à revendiquer leur liberté d'agir acceptent-ils de s'insérer dans ce carcan ? La réponse est simple : dans de nombreuses circonstances il est presque impossible d'aller au plus près de l'événement sans être « embedded », pour éviter les risques trop importants tout en ayant accès aux informations de première main. En langage administratif français le mot « embedded » se lit « journaliste accrédité ». Dans une rédaction, l'accrédité est l'interlocuteur privilégié d'une administration, d'une institution ou de toute autre organisation qui a besoin de transmettre la « bonne parole » par des canaux sûrs et contrôlés. Les accrédités sont les destinataires exclusifs des informations, à condition qu'ils respectent le contrat, par exemple la pratique du « off », ces confidences que l'on ne répète pas.
De façon ironique, la pratique de l'accréditation déborde de facto sur les partis politiques, et même sur les groupes militants clandestins. Ceux qu'on appelle les terroristes. Dans ces deux mondes, on déteste parler à des journalistes qui ne sont pas parfaitement au fait des choses. Les indépendants, les free-lance, les non « embedded » sont mal vus. Parce qu'on croit souvent, dans ces milieux, qu'un journaliste est forcément « embedded », il n'est considéré que comme une sorte de porte-parole.
Comment passe-t-on du statut de journaliste ordinaire à celui d'’« embedded », ce mot américain devenu courant dans le métier que je traduis par « embarqué » ? Pourquoi s'offusque-t-on soudain d'une pratique ancienne, pour ne pas dire généralisée ? Parce que l'armée américaine aurait systématisé ce statut à partir de la guerre du Golfe en 1991 ?
Comme tous les journalistes actifs, j'ai été « embedded » à de nombreuses reprises dans ma carrière. En 1991, notamment. Non aux côtés des Américains, mais à l'initiative d'un ministre français. Reporter à TF1, je ne suis pas appelé à suivre les opérations sur le terrain. On estime que ma santé et mon âge ne le permettent pas. Je m'investis donc dans les affaires de prisonniers et d'otages. J’ai alors l’occasion d’interviewer Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État chargé de l'Action humanitaire dans le gouvernement Rocard. Il me propose de couvrir une mission extraordinaire. « Mon cabinet va vous arranger les rendez-vous », me propose-t-il. Il nous arrange un embarquement dans un des avions-cargos affrétés pour les besoins du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Avec un cameraman et un sondier, nous nous envolons pour Le Caire, Doha (Qatar), Karachi (Pakistan), où sous l'œil attentif du Consul de France nous filmons le chargement de tentes pour plusieurs milliers de réfugiés.C'est très exactement une mission « embedded ». TF1 ne finance rien, ne choisit ni les modalités de voyage, ni l'objectif. Il s'agit simplement de promouvoir l'image de la France comme bienfaitrice de l'humanité.
Capa déjà " embedded "
Ce type de « missions journalistiques » est né avec les guerres modernes où la propagande est devenue une arme. La France s'y est mise dès la Première guerre mondiale. Les « correspondants de guerre » sont gérés par les états-majors, ils portent des uniformes militaires, on leur attribue des grades, commandant ou colonel. Ils sont conduits sur les théâtres d'opération pour pouvoir « rendre compte objectivement » des événements, c'est-à-dire dans le sens voulu par les généraux. On fournit aux journalistes plus ou moins intégrés dans les unités de combat matériel et protection, ce qui n'exclut pas les risques. Le reporter de guerre devient un soldat comme les autres.Le système sera développé lors de tous les conflits suivants.
Lors du débarquement américain en Normandie, les armées US sont accompagnées par une nuée de reporters de choc. Le caporal Samuel Fuller, caméra au poing, débarque avec la troisième vague, parmi les premiers sur la plage d'Omaha-Beach. Fuller deviendra l'un des plus grands cinéastes de guerre et ses images tournées « live », et en couleurs, un matériau indispensable. Les images les plus spectaculaires sont « shootées » par le photographe hongrois Robert Capa, alias de Endre Ernô Friedmann. Lui aussi intégré dans les unités de combat, il espère ainsi conquérir sa nationalité américaine. Capa sera tué en 1954 au Viêt-Nam alors qu'il opère aux côtés des troupes françaises.
La pratique du "off"
Une question brûle les lèvres : pourquoi les journalistes habituellement si prompts à revendiquer leur liberté d'agir acceptent-ils de s'insérer dans ce carcan ? La réponse est simple : dans de nombreuses circonstances il est presque impossible d'aller au plus près de l'événement sans être « embedded », pour éviter les risques trop importants tout en ayant accès aux informations de première main. En langage administratif français le mot « embedded » se lit « journaliste accrédité ». Dans une rédaction, l'accrédité est l'interlocuteur privilégié d'une administration, d'une institution ou de toute autre organisation qui a besoin de transmettre la « bonne parole » par des canaux sûrs et contrôlés. Les accrédités sont les destinataires exclusifs des informations, à condition qu'ils respectent le contrat, par exemple la pratique du « off », ces confidences que l'on ne répète pas.
De façon ironique, la pratique de l'accréditation déborde de facto sur les partis politiques, et même sur les groupes militants clandestins. Ceux qu'on appelle les terroristes. Dans ces deux mondes, on déteste parler à des journalistes qui ne sont pas parfaitement au fait des choses. Les indépendants, les free-lance, les non « embedded » sont mal vus. Parce qu'on croit souvent, dans ces milieux, qu'un journaliste est forcément « embedded », il n'est considéré que comme une sorte de porte-parole.
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mardi 26 juin 2007
Le danger d'une confusion des roles
Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
« Vous savez, je connais bien vos patrons ! » , glisse de temps à autre Nicolas Sarkozy à des journalistes. La petite phrase est dite sur un ton jovial et amical. Mais elle fait mouche. Peut demeurer (c'est son but) dans la tête du rédacteur lorsqu’il rédige son papier. Et, ainsi distiller un certain malaise : mon emploi peut-il être menacé si je diffuse telle information ? Choisis tel angle ? Donne tel détail ? (Car, rappelons-le, le journaliste est aussi un humain, qui, en dépit de sa soif de vérité, a une famille, des traites et exerce dans l’un des secteurs les plus bouchés du marché) Plus que la pression directe, l’ennemi numéro un est alors l’autocensure.
Car Sarkozy dit vrai. Quel média français n’appartient pas à ses amis ? Lagardère (Paris Match, JDD, Elle, Télé 7 jours, Europe1, RFM…) présente « Nicolas » comme son « frère ». Martin Bouygues (TF1, LCI, Metro …) et Bernard Arnault (La Tribune, Radio Classique, et sans doute bientôt Les Echos...) étaient témoins de son mariage. Serge Dassault (Le Figaro) et Vincent Bolloré (Direct soir, Matin plus …) ont soutenu le candidat pendant sa campagne. Comme Alain Minc, le président du conseil de surveillance du groupe Le Monde (Télérama, Courrier international, Midi Libre...) qui conseille des patrons de médias comme Edouard de Rothschild (Libération).
De tout temps, médias et partis politiques français ont su faire bon ménage. La nouveauté tient dans le caractère ostentatoire de cette confusion des rôles. Les principaux patrons de presse étaient présents au Fouquet’s pour fêter la victoire de leur « ami » à la Présidentielle. La valse des nominations a commencé avec le parachutage de Laurent Solly, directeur adjoint de la campagne de Sarkozy, à la tête de TF1. Certes, Internet ne permet plus de dissimuler longtemps une information qui a circulé dans une rédaction. Comme on l’a vu avec l’abstention de Cécilia Sarkozy au premier tour de la Présidentielle. Si Lagardère a su bloquer l'information au niveau du Journal du dimanche, celle-ci a très vite atterri sur le site de Rue89.
Les patrons de presse sont conscients de cette nouvelle menace. Il n’est donc pas exclu qu’ils s’évertuent à davantage cadenasser l’information, en s’entourant de bons petits soldats, partageant les mêmes idées. Pour éviter que cette tendance se généralise, la vigilance s’impose tant pour les journalistes que pour les citoyens. L’objectif de ce blog est de rendre publics des pressions ou exemples flagrants d'autocensure, mais aussi à avoir l’œil sur la façon dont pourront se réorganiser les rédactions amies (et celles qui pourraient le devenir). Il en va de l’avenir de l’un des rares contre-pouvoirs possibles dans une République quasi monocolore.
Les journalistes du Monde veulent en finir avec Minc
Par un journaliste du Monde
Le seul point sur lequel la totalité de la rédaction est d'accord, c'est l'éviction d'Alain Minc. Oui, il y a une petite chance que nous arrivions à le déloger de la présidence du conseil de surveillance de notre journal, si l'Association Hubert-Beuve-Méry accepte de joindre leur "non" au nôtre. Mais Minc est passé maître dans l'art de manipuler les uns et les autres. Réponse, donc, au conseil de surveillance de jeudi 28 juin.
Que reprochons nous à Minc? D'avoir poussé Colombani à des folies de conquête, de ne pas lui avoir rappelé qu'un sou est un sou et que la rationalité économique est implacable. Mais il avait tout intérêt à avoir un Colombani périodiquement à la recherche d'un conseil, d'un coup de main, d'une augmentation de capital. L'entremetteur qu'il est fait son miel (et son beurre) de cette fragilité. D'autant plus qu'il se positionne à la charnière du Monde et du monde des affaires. Son discours peut se résumer ainsi: « Mon cher (Pinault, Bolloré, Zacharias, etc.), je ne peux pas intervenir dans le contenu des articles des journalistes du Monde qui vous agace tant. Comme vous, je respecte trop l'indépendance de la presse pour succomber à la tentation [Ndlr : Il se ferait envoyer au bain], mais je vais tâcher de leur toucher deux mots de votre position [ Ndlr : ce dont il se garde bien]. »
Ainsi adossé à la réputation du Monde, il insinue qu'il possède un pouvoir qu'il n'a pas mais qui lui permet d'être grassement rémunéré par ces petits garçons de PDG en mal d'influence sur une presse qu'ils ne comprennent pas.
Personnellement, je n'ai pas pardonné à Minc d'avoir dit à plusieurs reprises que Le Monde était sa « mitzvah », sa bonne action en hébreu. Prétendre nous faire du bien, alors qu'il se sert de nous et qu'il nous a mis dans la panade (voir le Pôle Sud), me semble le comble de l'impudence.
Le seul point sur lequel la totalité de la rédaction est d'accord, c'est l'éviction d'Alain Minc. Oui, il y a une petite chance que nous arrivions à le déloger de la présidence du conseil de surveillance de notre journal, si l'Association Hubert-Beuve-Méry accepte de joindre leur "non" au nôtre. Mais Minc est passé maître dans l'art de manipuler les uns et les autres. Réponse, donc, au conseil de surveillance de jeudi 28 juin.
Que reprochons nous à Minc? D'avoir poussé Colombani à des folies de conquête, de ne pas lui avoir rappelé qu'un sou est un sou et que la rationalité économique est implacable. Mais il avait tout intérêt à avoir un Colombani périodiquement à la recherche d'un conseil, d'un coup de main, d'une augmentation de capital. L'entremetteur qu'il est fait son miel (et son beurre) de cette fragilité. D'autant plus qu'il se positionne à la charnière du Monde et du monde des affaires. Son discours peut se résumer ainsi: « Mon cher (Pinault, Bolloré, Zacharias, etc.), je ne peux pas intervenir dans le contenu des articles des journalistes du Monde qui vous agace tant. Comme vous, je respecte trop l'indépendance de la presse pour succomber à la tentation [Ndlr : Il se ferait envoyer au bain], mais je vais tâcher de leur toucher deux mots de votre position [ Ndlr : ce dont il se garde bien]. »
Ainsi adossé à la réputation du Monde, il insinue qu'il possède un pouvoir qu'il n'a pas mais qui lui permet d'être grassement rémunéré par ces petits garçons de PDG en mal d'influence sur une presse qu'ils ne comprennent pas.
Personnellement, je n'ai pas pardonné à Minc d'avoir dit à plusieurs reprises que Le Monde était sa « mitzvah », sa bonne action en hébreu. Prétendre nous faire du bien, alors qu'il se sert de nous et qu'il nous a mis dans la panade (voir le Pôle Sud), me semble le comble de l'impudence.
Esprit critique, es-tu là ??
Par Pedro Janocha, web-journaliste (furax)
Nicolas Sarkozy jouit, en n’en plus douter, d’une jolie côte auprès des éditorialistes. L'AFP a ainsi célébré le bel unanimisme qui a entouré l'intervention devant les députés puis sur TF1 du président de la République, mardi 20 juin. Sobrement intitulé « L'intervention de Nicolas Sarkozy jugé ''révolutionnaire" par la presse », la dépêche est une succession de citations dithyrambiques. « Cet homme veut faire ce qu'il a dit. Nouveauté sidérante, qui laisse pantois les parlementaires habitués, comme les Français, à tant de demi-mesures et de franches reculades », constate Alexis Brézet dans Le Figaro. « Cela change du règne précédent avec lequel on a bien compris que la rupture se voulait radicale puisqu'on nous annonce que toutes les promesses, cette fois, seront tenues », souligne Philippe Waucampt dans Le Républicain lorrain.
« Nicolas Sarkozy est, à sa manière, un artiste. Un bateleur dont le numéro est très au point, fait d'un mélange de franchise surjouée, d'étonnement feint, de bon sens, de modestie, d'assurance ", analyse La République des Pyrénées sous la plume de Jean-Marcel Bouguereau. « Quand il parle, tout semble si simple, trop simple », renchérit et de truismes assénés », Olivier Picard dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace. « En l'écoutant, FrançoisFillon a dû se demander ce qu'il aurait encore à raconter la semaine prochaine devant les députés pour son +discours de politique générale ! », imagine Hervé Favre dans La Voix du Nord. »
Un florilège à peine tempéré par Laurent Joffrin (Libération) et Pierre Laurent (L’Humanité), fidèles à leurs étiquettes de journal de gauche. Pascal Aubert surtout, de La Tribune, tente une saillie : « On le savait hyperactif et hyper engagé, on le découvre hyper directif et l'oeil à tout. »
A lire une telle succession de louanges pour un discours qui n'apportait ni idées nouvelles (un service minimum a déjà été mis en place par de Robien il y a bientôt trois ans, ni calendrier précis, on pourrait douter de l'entrain de la presse régionale à faire son travail d'analyse critique… Est-ce déjà passé de mode ?
Nicolas Sarkozy jouit, en n’en plus douter, d’une jolie côte auprès des éditorialistes. L'AFP a ainsi célébré le bel unanimisme qui a entouré l'intervention devant les députés puis sur TF1 du président de la République, mardi 20 juin. Sobrement intitulé « L'intervention de Nicolas Sarkozy jugé ''révolutionnaire" par la presse », la dépêche est une succession de citations dithyrambiques. « Cet homme veut faire ce qu'il a dit. Nouveauté sidérante, qui laisse pantois les parlementaires habitués, comme les Français, à tant de demi-mesures et de franches reculades », constate Alexis Brézet dans Le Figaro. « Cela change du règne précédent avec lequel on a bien compris que la rupture se voulait radicale puisqu'on nous annonce que toutes les promesses, cette fois, seront tenues », souligne Philippe Waucampt dans Le Républicain lorrain.
« Nicolas Sarkozy est, à sa manière, un artiste. Un bateleur dont le numéro est très au point, fait d'un mélange de franchise surjouée, d'étonnement feint, de bon sens, de modestie, d'assurance ", analyse La République des Pyrénées sous la plume de Jean-Marcel Bouguereau. « Quand il parle, tout semble si simple, trop simple », renchérit et de truismes assénés », Olivier Picard dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace. « En l'écoutant, FrançoisFillon a dû se demander ce qu'il aurait encore à raconter la semaine prochaine devant les députés pour son +discours de politique générale ! », imagine Hervé Favre dans La Voix du Nord. »
Un florilège à peine tempéré par Laurent Joffrin (Libération) et Pierre Laurent (L’Humanité), fidèles à leurs étiquettes de journal de gauche. Pascal Aubert surtout, de La Tribune, tente une saillie : « On le savait hyperactif et hyper engagé, on le découvre hyper directif et l'oeil à tout. »
A lire une telle succession de louanges pour un discours qui n'apportait ni idées nouvelles (un service minimum a déjà été mis en place par de Robien il y a bientôt trois ans, ni calendrier précis, on pourrait douter de l'entrain de la presse régionale à faire son travail d'analyse critique… Est-ce déjà passé de mode ?
vendredi 22 juin 2007
Réponse d'une journaliste au chevalier Braillard
Nina Perez (pseudo), journaliste dans un quotidien national
Le mail, signé « Braillard le chevalier sans beurre et sans tartines », a fait le tour du net avant la Présidentielle et réapparaît au lendemain des législatives. On y lit : « pour chaque député non-réélu les Français devront payer 417 120 euros = 60 mois x 6952 euros d’indemnités ». Le courageux anonyme se dit « écoeuré » que les impôts servent à payer « les goldens parachutes » des députés. S’insurge contre ces médias qui n’en « pipent pas un mot ». Sans s’interroger sur la malhonnêteté intellectuelle de son calcul et des commentaires qui l’accompagnent.
Notre chevalier s’est référé très partiellement à la brève parue dans le Canard Enchaîné du 7 février 2007, révélant que Jean-Louis Debré avait, avant de quitter la présidence de l’Assemblée nationale, « décidé de soigner les députés battus devenus chômeurs en juin prochain ». L’indemnisation chômage des ex hôtes du Palis Bourbon passe en effet ce mois-ci de six mois à…cinq ans ! Le Canard précise qu’une trentaine de députés (80, d’après une autre source) ont perçu une telle allocation depuis 2002. Et que la nouvelle mesure est dégressive : 100% du revenu (5 400 euros net) pendant six mois, 70 % les six mois suivant, puis 60 %, 50 % et 20 % au bout de quatre ans et demi.
Le propos n’est pas de juger cette mesure, qui dans la bouche de son initiateur vise à encourager des non professionnels de la politique à s’engager dans la vie publique, mais de relativiser la teneur de ce type de mail, qui circule sur internet et provoque comme réaction immédiate : « C’est écoeurant ! Pourquoi les médias n’en parlent pas ! » Soit dit en passant, contrairement à ce qu’affirme le mail, des articles sont parus dans le Midi Libre, mais aussi dans le Figaro, les Echos, la Croix, l’Express. Et des radios comme des télévisions en ont parlé.
Seulement, les journalistes ont peut-être fait leur travail et ne se sont pas contenté, comme notre chevalier, d’aller chercher sur le site de l’Assemblée nationale le montant du revenu brut du député pour le multiplier par les soixante mois d’une législature. Puis d'accompagner la pharaonique somme d’un copier-coller de la fiche sur la situation matérielle des députés (indemnités de résidence, de fonction…) figurant sur le même site.
Le mail s’abstient également de préciser que la nouvelle indemnisation chômage est financée par une cotisation de 0,5% prélevée chaque mois sur le traitement des députés. Comme c’est le cas depuis 1994. Cette « allocation de retour à l’emploi » s’élève à 27 euros, soit une cagnotte sur cinq ans de ( 27 x 577 députés = 15 579 euros x 12 mois = 186 948 euros x 5 ans de législature =) 934 740 euros. Il ne s'agit donc pas d'une somme supplémentaire prélevée sur l'impôt. Autre omission, l’indemnité n’est destinée qu’aux élus n’appartenant pas à la fonction publique (70% des députés) et non admissibles à la retraite. Elle cesse de surcroît d’être versée dès la reprise d’un emploi (le mail parle d’une indemnisation à vie !). Mais le vrai scandale est qu' un ex-député retrouve rapidement un emploi. Puisque l’indemnité a bénéficié à si peu de députés que la caisse qui la gère est largement excédentaire. Pas vraiment de quoi faire la une de tous les médias !
Le mail, signé « Braillard le chevalier sans beurre et sans tartines », a fait le tour du net avant la Présidentielle et réapparaît au lendemain des législatives. On y lit : « pour chaque député non-réélu les Français devront payer 417 120 euros = 60 mois x 6952 euros d’indemnités ». Le courageux anonyme se dit « écoeuré » que les impôts servent à payer « les goldens parachutes » des députés. S’insurge contre ces médias qui n’en « pipent pas un mot ». Sans s’interroger sur la malhonnêteté intellectuelle de son calcul et des commentaires qui l’accompagnent.
Notre chevalier s’est référé très partiellement à la brève parue dans le Canard Enchaîné du 7 février 2007, révélant que Jean-Louis Debré avait, avant de quitter la présidence de l’Assemblée nationale, « décidé de soigner les députés battus devenus chômeurs en juin prochain ». L’indemnisation chômage des ex hôtes du Palis Bourbon passe en effet ce mois-ci de six mois à…cinq ans ! Le Canard précise qu’une trentaine de députés (80, d’après une autre source) ont perçu une telle allocation depuis 2002. Et que la nouvelle mesure est dégressive : 100% du revenu (5 400 euros net) pendant six mois, 70 % les six mois suivant, puis 60 %, 50 % et 20 % au bout de quatre ans et demi.
Le propos n’est pas de juger cette mesure, qui dans la bouche de son initiateur vise à encourager des non professionnels de la politique à s’engager dans la vie publique, mais de relativiser la teneur de ce type de mail, qui circule sur internet et provoque comme réaction immédiate : « C’est écoeurant ! Pourquoi les médias n’en parlent pas ! » Soit dit en passant, contrairement à ce qu’affirme le mail, des articles sont parus dans le Midi Libre, mais aussi dans le Figaro, les Echos, la Croix, l’Express. Et des radios comme des télévisions en ont parlé.
Seulement, les journalistes ont peut-être fait leur travail et ne se sont pas contenté, comme notre chevalier, d’aller chercher sur le site de l’Assemblée nationale le montant du revenu brut du député pour le multiplier par les soixante mois d’une législature. Puis d'accompagner la pharaonique somme d’un copier-coller de la fiche sur la situation matérielle des députés (indemnités de résidence, de fonction…) figurant sur le même site.
Le mail s’abstient également de préciser que la nouvelle indemnisation chômage est financée par une cotisation de 0,5% prélevée chaque mois sur le traitement des députés. Comme c’est le cas depuis 1994. Cette « allocation de retour à l’emploi » s’élève à 27 euros, soit une cagnotte sur cinq ans de ( 27 x 577 députés = 15 579 euros x 12 mois = 186 948 euros x 5 ans de législature =) 934 740 euros. Il ne s'agit donc pas d'une somme supplémentaire prélevée sur l'impôt. Autre omission, l’indemnité n’est destinée qu’aux élus n’appartenant pas à la fonction publique (70% des députés) et non admissibles à la retraite. Elle cesse de surcroît d’être versée dès la reprise d’un emploi (le mail parle d’une indemnisation à vie !). Mais le vrai scandale est qu' un ex-député retrouve rapidement un emploi. Puisque l’indemnité a bénéficié à si peu de députés que la caisse qui la gère est largement excédentaire. Pas vraiment de quoi faire la une de tous les médias !
lundi 18 juin 2007
Petits procédés de pression ordinaires
Par Bernard Prolot, journaliste-pigiste de magazines culturels
L'ancien rédacteur en chef de LUNDI INVESTIGATION, une émission réputée d'enquêtes sur CANAL+, qui a sorti plusieurs affaires (Le "suicide" de Robert Boulin, le harcèlement moral à AXA, le "suicide" du juge Borel, etc.), produit une édifiante réflexion sur les manipulateurs de l'information (1). Le passage sur les Spin doctors, chargés de présenter une face positive de l'information, voire d'inventer cette face, mérite attention.
Ainsi, pour les élections américaines, ceux-ci ont fait passer George W. Bush pour un héros de guerre et John Kerry pour un lâche. Un de leurs leviers : ils jouent sur la trop grande dépendance des journalistes à l'égard de leurs sources. Pour Moreira, "les services de communication emprisonnent les journalistes en maintenant un contact permanent". Quand ils ne leur proposent pas des ménages... c'est-à-dire des prestations extrêmement bien payées. A son sens, les pressions directes sur les rédactions sont très rares, car risquées. Car au grand jour, elles "enregistrent un effet négatif exponentiel".
Sauf en politique! En effet, maintenant, des cellules d'information dans les ministères n'hésitent pas à intervenir. Le rôle des Spin doctors s'attache à gérer la perception du public. Exemple aux USA, où un rapport établit que la CIA et le cartel de Medellin collaborent pour importer du crack. Sur les conseils des Spin doctors, le rapport de la Commission d'enquête sort en pleine affaire Monica Lewinsky. Du coup, personne n'y prête plus attention.
Le journaliste après un séjour en Irak, dénonce le système des journalistes "embedded", c'est-à-dire intégrés dans les troupes. "C'est un piège. La sympathie est trop forte : on est forcément positifs. Le reporter est piégé : impossible de surcroît de passer d'un camp à l'autre. Enfin quel intérêt de voir le pays à travers une vitre blindée?"
Moreira se félicite de l'outil d'Internet pour mettre à jour les censures ou les abus du pouvoir. Ce fut le cas pour le grand-père chinois sans papiers arrêté à la sortie de l'école dans le 19e arrondissement de Paris juste avant le premier tour de la Présidentielle. Toute la France a été informée du déroulement réel des faits. Le rêve pour un journaliste honnête.
(1)Paul Moreira, Les nouvelles formes de censures, Ed Robert Laffont
L'ancien rédacteur en chef de LUNDI INVESTIGATION, une émission réputée d'enquêtes sur CANAL+, qui a sorti plusieurs affaires (Le "suicide" de Robert Boulin, le harcèlement moral à AXA, le "suicide" du juge Borel, etc.), produit une édifiante réflexion sur les manipulateurs de l'information (1). Le passage sur les Spin doctors, chargés de présenter une face positive de l'information, voire d'inventer cette face, mérite attention.
Ainsi, pour les élections américaines, ceux-ci ont fait passer George W. Bush pour un héros de guerre et John Kerry pour un lâche. Un de leurs leviers : ils jouent sur la trop grande dépendance des journalistes à l'égard de leurs sources. Pour Moreira, "les services de communication emprisonnent les journalistes en maintenant un contact permanent". Quand ils ne leur proposent pas des ménages... c'est-à-dire des prestations extrêmement bien payées. A son sens, les pressions directes sur les rédactions sont très rares, car risquées. Car au grand jour, elles "enregistrent un effet négatif exponentiel".
Sauf en politique! En effet, maintenant, des cellules d'information dans les ministères n'hésitent pas à intervenir. Le rôle des Spin doctors s'attache à gérer la perception du public. Exemple aux USA, où un rapport établit que la CIA et le cartel de Medellin collaborent pour importer du crack. Sur les conseils des Spin doctors, le rapport de la Commission d'enquête sort en pleine affaire Monica Lewinsky. Du coup, personne n'y prête plus attention.
Le journaliste après un séjour en Irak, dénonce le système des journalistes "embedded", c'est-à-dire intégrés dans les troupes. "C'est un piège. La sympathie est trop forte : on est forcément positifs. Le reporter est piégé : impossible de surcroît de passer d'un camp à l'autre. Enfin quel intérêt de voir le pays à travers une vitre blindée?"
Moreira se félicite de l'outil d'Internet pour mettre à jour les censures ou les abus du pouvoir. Ce fut le cas pour le grand-père chinois sans papiers arrêté à la sortie de l'école dans le 19e arrondissement de Paris juste avant le premier tour de la Présidentielle. Toute la France a été informée du déroulement réel des faits. Le rêve pour un journaliste honnête.
(1)Paul Moreira, Les nouvelles formes de censures, Ed Robert Laffont
mercredi 13 juin 2007
Secrets, fuites et manipulations
Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
Comment, par exemple, les pièces judiciaires qui ont alimenté la presse dans l'Affaire Clearstream se sont-elles retrouvées à ciel ouvert, alors qu'elles étaient normalement couvertes par les secret de l'enquête et de l'instruction ? Le premier interrogatoire du général Rondot a été publié alors qu'aucun avocat ne disposait d'une copie intégrale de cet interrogatoire. Si les interrogatoires sont signés par l'avocat, ni ce dernier ni le prévenu n'en reçoivent une copie immédiate : ils sont cotés, paraphés et versés dans le dossier, il faut ensuite en demander copie et attendre environ 1 mois. Les « fuites » d'informations et de dossiers qualifiés de « secrets » sont un perpétuel sujet d'étonnement pour le grand public. Le phénomène a beau ne pas être nouveau, il surprend encore.
Cette question du secret est en principe régie par des textes législatifs remontant à la veille de la deuxième guerre mondiale. Il s'agissait à l'époque de protéger les secrets de la Défense nationale contre les investigations des services secrets nazis. Le décret-loi Daladier du 17 juin 1938 définit l'espionnage comme un crime de trahison, puni par la peine de mort. Il est suivi par le décret-loi du 10 février 1939, qui codifie le Secret défense. Seuls les agents habilités peuvent être détenteurs de secrets soit tous les officiers de la DGSE, de la DPSD, de la DST et, depuis 2005, les policiers des Renseignements généraux, ainsi que les magistrats et les policiers qui contribuent aux enquêtes judiciaires, où le secret est défini par les Code pénal et Code de procédure pénale
Depuis, la situation s'est figée, et les fonctionnaires en sont généralement restés là, convaincus que cette barrière juridique était assez haute pour endiguer les curiosités malsaines. Dans la pratique, la loi n'empêche rien, ces secrets ne cessant d'être brisés. Les modalités de la circulation de l'information (notamment avec internet) s'opposent aujourd'hui de façon absolue au maintien du secret. L'avocat Bernard Warusfel soutient même qu'il n'y a pas de secret que l'histoire ne contribue pas à révéler : ce fut d'abord une question d'année, puis de mois, de semaines. Et, aujourd'hui, de jours. Dans les Services dits secrets, on admet que 95 % des secrets ne le sont plus : il suffit de savoir chercher.
Chercher où ? Eh bien, partout. Désormais, tout journaliste, tout enquêteur un peu malin sait comment piller les banques de données, contourner les barrières, ils obtiennent des détails de plus en plus précis permettant de reconstituer des puzzles complexes. Les « sources humaines » accroissent les potentiels : dans les grandes affaires, les intervenants sont multiples, pas toujours avertis des risques consécutifs aux divulgations. La volonté de ne pas conserver par devers soi des secrets trop lourds et des règlements de comptes entre services concurrents grossissent le fleuve. Plus grave, des fonctionnaires ou des magistrats en place sont conduits à employer les fuites comme moyens de manipulations : lors de mon enquête sur l'affaire des HLM de la Ville de Paris, un policier m'a expliqué que les fuites étaient utilisées pour pousser les témoins à parler.
Les motivations des témoins sont, elles, multiples. Et pas toujours très claires. Ainsi, la concurrence entre syndicats de policiers peut conduire sur la place publique les secrets les mieux gardés. On doit se souvenir que dans une institution comme la Police nationale, toutes les nuances politiques sont présentes, de l'extrême droite à l'extrême gauche, les syndicats proches du centre gauche étant omniprésents. Les élections syndicales pour désigner les représentants policiers dans les Commissions paritaires, à l'automne, donnent lieu à des surenchères et à des « fuites ».
Le déferlement de l'information par les canaux du réseau Internet amplifie d'autant plus le phénomène que les sources sont difficilement identifiables, parfois originaires de l'étranger. Du moins officiellement. Le rapport de l'INHES sur l'affaire des banlieues diffusé en avril dernier est à cet égard caractéristique : confidentiel à l'origine, il a été transmis à l'AFP par une « main experte ». J'ai pu retracer une partie du parcours qui a suivi : transmission au service d'information de la Préfecture du 9.3, qui a demandé leur avis aux intéressés. Lesquels ont été interrogés par le journaliste de l'AFP. Rien que de très normal, sauf que personne ne s'était intéressé au rapport, il a fallu plus d'un mois pour qu'il s'étale finalement sur la place publique. Au moment de la campagne pour les Présidentielles …
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