lundi 18 juin 2007

Petits procédés de pression ordinaires

Par Bernard Prolot, journaliste-pigiste de magazines culturels

L'ancien rédacteur en chef de LUNDI INVESTIGATION, une émission réputée d'enquêtes sur CANAL+, qui a sorti plusieurs affaires (Le "suicide" de Robert Boulin, le harcèlement moral à AXA, le "suicide" du juge Borel, etc.), produit une édifiante réflexion sur les manipulateurs de l'information (1). Le passage sur les Spin doctors, chargés de présenter une face positive de l'information, voire d'inventer cette face, mérite attention.
Ainsi, pour les élections américaines, ceux-ci ont fait passer George W. Bush pour un héros de guerre et John Kerry pour un lâche. Un de leurs leviers : ils jouent sur la trop grande dépendance des journalistes à l'égard de leurs sources. Pour Moreira, "les services de communication emprisonnent les journalistes en maintenant un contact permanent". Quand ils ne leur proposent pas des ménages... c'est-à-dire des prestations extrêmement bien payées. A son sens, les pressions directes sur les rédactions sont très rares, car risquées. Car au grand jour, elles "enregistrent un effet négatif exponentiel".
Sauf en politique! En effet, maintenant, des cellules d'information dans les ministères n'hésitent pas à intervenir. Le rôle des Spin doctors s'attache à gérer la perception du public. Exemple aux USA, où un rapport établit que la CIA et le cartel de Medellin collaborent pour importer du crack. Sur les conseils des Spin doctors, le rapport de la Commission d'enquête sort en pleine affaire Monica Lewinsky. Du coup, personne n'y prête plus attention.
Le journaliste après un séjour en Irak, dénonce le système des journalistes "embedded", c'est-à-dire intégrés dans les troupes. "C'est un piège. La sympathie est trop forte : on est forcément positifs. Le reporter est piégé : impossible de surcroît de passer d'un camp à l'autre. Enfin quel intérêt de voir le pays à travers une vitre blindée?"
Moreira se félicite de l'outil d'Internet pour mettre à jour les censures ou les abus du pouvoir. Ce fut le cas pour le grand-père chinois sans papiers arrêté à la sortie de l'école dans le 19e arrondissement de Paris juste avant le premier tour de la Présidentielle. Toute la France a été informée du déroulement réel des faits. Le rêve pour un journaliste honnête.

(1)Paul Moreira, Les nouvelles formes de censures, Ed Robert Laffont

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