mardi 26 juin 2007

Le danger d'une confusion des roles


Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national

« Vous savez, je connais bien vos patrons ! » , glisse de temps à autre Nicolas Sarkozy à des journalistes. La petite phrase est dite sur un ton jovial et amical. Mais elle fait mouche. Peut demeurer (c'est son but) dans la tête du rédacteur lorsqu’il rédige son papier. Et, ainsi distiller un certain malaise : mon emploi peut-il être menacé si je diffuse telle information ? Choisis tel angle ? Donne tel détail ? (Car, rappelons-le, le journaliste est aussi un humain, qui, en dépit de sa soif de vérité, a une famille, des traites et exerce dans l’un des secteurs les plus bouchés du marché) Plus que la pression directe, l’ennemi numéro un est alors l’autocensure.
Car Sarkozy dit vrai. Quel média français n’appartient pas à ses amis ? Lagardère (Paris Match, JDD, Elle, Télé 7 jours, Europe1, RFM…) présente « Nicolas » comme son « frère ». Martin Bouygues (TF1, LCI, Metro …) et Bernard Arnault (La Tribune, Radio Classique, et sans doute bientôt Les Echos...) étaient témoins de son mariage. Serge Dassault (Le Figaro) et Vincent Bolloré (Direct soir, Matin plus …) ont soutenu le candidat pendant sa campagne. Comme Alain Minc, le président du conseil de surveillance du groupe Le Monde (Télérama, Courrier international, Midi Libre...) qui conseille des patrons de médias comme Edouard de Rothschild (Libération).
De tout temps, médias et partis politiques français ont su faire bon ménage. La nouveauté tient dans le caractère ostentatoire de cette confusion des rôles. Les principaux patrons de presse étaient présents au Fouquet’s pour fêter la victoire de leur « ami » à la Présidentielle. La valse des nominations a commencé avec le parachutage de Laurent Solly, directeur adjoint de la campagne de Sarkozy, à la tête de TF1. Certes, Internet ne permet plus de dissimuler longtemps une information qui a circulé dans une rédaction. Comme on l’a vu avec l’abstention de Cécilia Sarkozy au premier tour de la Présidentielle. Si Lagardère a su bloquer l'information au niveau du Journal du dimanche, celle-ci a très vite atterri sur le site de Rue89.
Les patrons de presse sont conscients de cette nouvelle menace. Il n’est donc pas exclu qu’ils s’évertuent à davantage cadenasser l’information, en s’entourant de bons petits soldats, partageant les mêmes idées. Pour éviter que cette tendance se généralise, la vigilance s’impose tant pour les journalistes que pour les citoyens. L’objectif de ce blog est de rendre publics des pressions ou exemples flagrants d'autocensure, mais aussi à avoir l’œil sur la façon dont pourront se réorganiser les rédactions amies (et celles qui pourraient le devenir). Il en va de l’avenir de l’un des rares contre-pouvoirs possibles dans une République quasi monocolore.

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