Par Lou Charaïre, journaliste du Monde
Donc, si l’on en croit ses déclarations aux médias, le directoire du Monde a démissionné, le 19 décembre, parce que l’actionnaire de référence du groupe de presse, la Société des Rédacteurs du Monde (SRM), se mêlait de façon abusive de cogestion de l’entreprise, décidait à la place des mandataires sociaux et contestait la stratégie de ceux-ci. Un abus de pouvoir en quelque sorte.
Tout à fait d’accord pour reconnaître qu’on ne peut pas manipuler un volant à plusieurs et que le pouvoir ne se divise pas plus que le point en géométrie. Tout à fait d’accord pour que les directeurs dirigent seuls, mais est-ce un mélange des genres qu’a pratiqué la SRM ?
Elle n’a pas contesté la stratégie du directoire, puisque celui-ci n’en a rendue publique aucune. En revanche, elle a refusé de voter le budget de la filiale du Monde Interactif, qui s’obstine à ne pas vouloir développer ses sites internet en accord avec le quotidien.
Elle n’a pas décidé à la place des mandataires sociaux. Elle leur a dit qu’elle refuserait les augmentations de rémunérations qu’ils demandaient et qui lui semblaient particulièrement indécentes au moment où un sévère plan d’économies est en préparation. Et elle a rendu public ce refus auprès de ses mandants, les journalistes, ce qui est bien le moins.
Elle n’a pas pratiqué la cogestion, mais joué pleinement son rôle de défenseur des intérêts de la communauté journalistique en interrogeant le directoire, puis en soulignant les faiblesses et les contradictions des mesures à l’étude.
Elle n’a pas le pouvoir de bloquer ou d’imposer, mais le devoir d’éclairer et elle l’a assumé.
Ce qui est en question dans la crise ouverte par le directoire, c’est l’indispensable contre-pouvoir qu’exerce la SRM. Si, avec la complicité d’Alain Minc, le président du conseil de surveillance, celle-ci se voyait réduite à l’état de béni-oui-oui, nul doute qu’il serait plus facile aux dirigeants d’imposer, par exemple, aux salariés du journal des sacrifices…qu’ils se dispenseront de s’infliger.
Un passé récent au Monde et le théâtre politique tous les jours confirment que « certains ne ‘tiennent’ pas le pouvoir, au sens où l’on ne ‘tient’ pas le vin » (Hubert Beuve-Méry). La SRM est un excellent éthylotest.
vendredi 21 décembre 2007
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