Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national
Avis de tempête. Un fort vent de révolte souffle sur la profession. Il a poussé les journalistes des Echos à trouver un chevalier blanc (Fimalac, groupe français de services financiers) pour contrer l’assaut d’Arnault (LVMH). Il force leurs confrères de la Tribune (que possède et devra vendre le même LVMH) à se battre pour que le titre soit cédé avec sa régie publicitaire (55% des revenus). Il amène les journalistes du Monde à demander à Alain Minc (conseiller des patrons du Cac 40 et de l’Elysée !) de quitter la présidence du conseil de surveillance du journal. Au nom d’une même nécessité : l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers et politiques. Et d’un même principe: le pluralisme de la presse, inscrit, rappelons-le, dans le préambule de la Constitution.
Rachats des principaux titres par d’influents groupes industriels (Dassault, Lagardère, Arnault, Bolloré …). Multiplication des cas de censure. Banalisation de l’autocensure. Chantages au droit de veto des journalistes sur des décisions stratégiques ou la nomination de dirigeants (Libération). Perquisitions pour connaître les sources (Canard Enchaîné). Ces couleuvres, les 38.000 journalistes français les ont (trop) docilement avalées ces dernières années. La faute au marché du travail (sinistré). A l’individualisme. A la difficulté de mobiliser une profession extrêmement diverse (par les supports, les salaires, la quantité de travail…).
Seulement, aujourd’hui, les journalistes n’ont plus le choix. Il en va de l’honneur, sinon de la survie, de la profession. Car la boîte de Pandore est ouverte. Dans leurs récents combats, les journalistes ont, exemples à l’appui, confié leurs craintes ou leurs difficultés d’exercer honnêtement leur métier dans certaines circonstances. Qu’on le veille ou pas, le doute s’insinuera plus facilement. Et le discrédit à l’égard des journalistes risque de croître.
C’est pourquoi, il faut aller jusqu’au bout. Revendiquer les moyens de notre indépendance. Mais aussi savoir faire notre autocritique. Sortir du train-train. Réapprendre à étonner, passionner, enquêter. Pour reconquérir l’estime de la population.
Sans cette estime; comment obtenir son adhésion pour, par exemple, s’opposer à la modification du statut des journalistes, que la droite serait parvenue à faire passer en catimini. La réécriture du code du travail, validée par ordonnance en mars 2007, pourrait en effet avoir des lourdes conséquences. D’après les syndicats, il n’y serait plus fait mention du mois de salaire par année d'ancienneté auquel a droit un journaliste en cas de licenciement. Cette « clause de conscience ou de cession » est, depuis l’entre-deux-guerres, l’un des garants de l’indépendance de la profession.
Exorbitante du droit commun, elle permet à un journaliste, en cas de changement notable d'orientation de la publication, de partir avec des indemnités, comme si le départ n'était pas de son fait. Dans ce contexte de rachats, la révision à la baisse de ces indemnités permettrait de réduire le coût des plans de restructuration. Une aubaine pour les amis de Sarkozy, qui font actuellement leur marché dans les médias français.
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2 commentaires:
Chère Nina,
Lecteur assidu de ce nouveau blog, je m'étonne que vous n'ayez pas encore parlé de la triste fin d'Alegria.
Alegria se définissait comme la chaîne « référent » du Sud mêlant nature, culture, traditions, tauromachie, course landaise, rugby, pelote basque... Une chaîne qui ne se prenait pas au sérieux, animée par une équipe de jeunes journalistes tous avec « l'assent ».
Personne n'en parle, aucune pétition, pas de solidarité avec ces gens qui ne sont même pas de Marseille... alors que pour une petite émission sur France 5, on signe des pétitions, que Bayrou et Royal s'émeuvent.
C'est pourtant d'une chaîne qu'il s'agit, une dizaine d'émissions au bas mot !
Ces « pôvres » journalistes « sudistes » ont leurs réseaux dans les ruedos, sur les terrains de rugby ou dans les petits villages du sud... et pas où il faudrait, c'est-à-dire dans les salles de rédaction parisiennes. Un témoignage supplémentaire du centralisme français associé au nombrilisme des journalistes parisiens.
Même si je ne vous connais pas, chère Nina, j'imagine que votre nom (et votre prénom) témoignent d'une origine du sud qui, associée à la vocation de ce blog ne peuvent vous laisser insensible au sort de ces jeunes confrères.
Pour plus d'information, ils ont crée un blog : http://alegriatv.canalblog.com
Philippe
Merci pour votre message. Oui, c'est vrai, Alegria était une chaîne à part. Ancrée dans la culture régionale, libre dans son ton, et, surtout presque indépendante, puisque lancée et financée par des personnalités et des entreprises locales. Ambitieuse, la petite équipe, d'une trentaine de personnes, avait souhaité ne rien externaliser : tous les programmes se devaient d'être "100% maison". Malheureusement, quand récompensée pour son originalité et/ou sa qualité, Alegria a été admise dans "un bouquet satellite", elle a dû augmenter sa présence à l'antenne, mais aussi payer d'onéreux droits de diffusion. Or, la publicité sur laquelle comptait la chaîne n'a, là encore,pas suivi. L'argent a manqué. Et Allegria a dû disparaître.
Ce triste exemple montre que l'indépendance s'arrête là où commence la nécéssité publicitaire
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