dimanche 1 juillet 2007

Un clan se partage les médias

Par Nina Perez, journaliste dans un quotidien national

Un petit nombre d’industriels continuent de jouer au monopoly avec les médias français. Bernard Arnault (LVMH) a mis un gros chèque sur la table pour s’offrir le journal économique Les Echos, mis en vente par le britannique Pearson (Financial Times …). L’homme le plus riche de France possède déjà son concurrent La Tribune, qu’il pourrait céder à Vincent Bolloré, autre industriel propriétaire de médias (Direct 8, Direct soir, Matin plus…). Et alors, où est le problème ? Il faut bien de l’argent pour financer des organes de presse, de surcroît souvent déficitaires et/ou endettés.
Peut-être, mais la démocratie française sortirait grandie si ses journaux appartenaient, comme ailleurs, à des groupes spécialisés dans la presse et l’édition. Et non, comme en France, à des industriels, officiant dans le luxe (LVMH), l’armement (Dassault) ou les matières premières (Bolloré). Cela éviterait le mélange des genres. Il est délicat, en effet, pour un journaliste d’avoir à écrire sur une des nombreuses autres entreprises de son propre patron. Il est inquiétant, surtout, pour la démocratie et le pluralisme de la presse que ces mêmes patrons affichent publiquement leur amitié pour Nicolas Sarkozy.
La plupart ont levé la coupette au Fouquet’s le soir de l’élection de leur ami. S’y trouvait notamment Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde. Ce conseiller des dirigeants du Cac 40 et des patrons des médias (Bolloré ou Rothschild/ Libération) se vante désormais de prodiguer ses petits conseils à Nicolas Sarkozy. Furieuse, la Société des Rédacteurs du Monde a voté une motion de défiance à son égard. Elle « s’inquiète des activités de conseil d’Alain Minc qui interfèrent avec la vie du groupe Le Monde et de ses prises de position publiques qui jettent un doute sur l’indépendance et la crédibilité de ses publications ». Minc n’a pas été réélu à la tête du Conseil de surveillance jeudi dernier. Mais, comme à son habitude, il n’a sans doute pas dit son dernier mot …
Cette semaine sera décisive pour l’avenir des Echos, de La Tribune et du Monde. Les journalistes de ces rédactions ne veulent plus faire les frais du jeu de monopoly entre quelques barons. Qui constitue un repoussoir pour les lecteurs. Le moment est donc peut-être venu d’engager un grand débat citoyen sur l’indépendance et le pluralisme des médias. Des garde-fous sont à sauvegarder (droits moraux, droits de véto des journalistes que l'on essaye, un peu partout, de remettre de cause) ou à imaginer (avec les lecteurs) pour que la presse redevienne le contre-pouvoir, nécessaire à toute démocratie.

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