jeudi 3 juillet 2008

Internet dans l'oeil de mire de l'Elysée

Par Nina Perez

Non content de compter parmi ses amis de nombreux patrons de presse (Lagardère, Arnaud...) et de télévision (Bouygues, Bolloré ...), Nicolas veut remettre de l'ORTF chez la pourtant peu impertinente France Télévision et rêve déjà d'un autre chantier médiatique : s'attaquer au trop libre et irrévérencieux Internet.
La voix judiciaire est l'un des moyens de pression possible, comme le montre l'exemple de rue89. Mercredi matin, les avocats de France3 ont effet adressé un courrier comminatoire à Rue89 pour exiger que leur soient révélées les conditions dans lesquelles le site s'est procuré la vidéo de Nicolas Sarkozy sur le plateau de France3. Celle-ci le montre mal à l'aise, il y menace un salarié qui ne l'avait pas salué ("ça va changer !") et réclame que lui soit posé une question sur la fusillade de Carcassonne.
La vidéo, enregistrée de façon pirate avant le direct, a été visionnée par plus d'un million d'internautes, tous sites confondus et à travers le monde, en 24 heures. Le courrier des avocats exige que soit retirée cette vidéo du site et que soit détruit le document en question." Du jamais vu: un média qui menace un autre média de procès pour révéler ses sources! ", résume Pierre Haski, ex de Libé et fondateur de rue89.
" Généralement, c'est l'Etat qui initie ce genre de démarches qui suscitent la plupart du temps, et à juste titre, des protestations des organisations professionnelles de journalistes. Lorsqu'un média effectue à son tour de telles démarches inquisitrices, on ne peut que s'inquiéter ", ajoute-t-il.
Plusieurs interprétations sont possibles. L'Elysée aurait pu demander à France 3 de tout faire pour retrouver les auteurs et cesser la diffusion de la vidéo. Il est aussi possible que France 3 anticipe les attentes du chef de l'Etat, en pleine discussion sur le financement de la télévision publique. Pour rue89, France3 est soumis, dans ce cadre, à d'intenses pressions de l'UMP et de l'Elysée. Et " reporte clairement cette pression sur Rue89 ".
Quoi qu'il en soit, Internet fascine et inquiète l'Elysée. Une personne est même exclusivement payée pour collecter tout ce qui se dit sur la toile sur Nicolas Sarkozy et son gouvernement. Un article de "Coulisses médiatiques", sur la cocasse conférence de presse hebdomadaire chez Rachida Dati (20 novembre 2007), a même eu l'honneur d'un coup de fil. Malheureusement, le journaliste appelé n'était pas le bon.

dimanche 15 juin 2008

Denis Robert jette l'éponge


" Ce texte est ma dernière intervention publique à propos de Clearstream. J’ai pris la décision de refuser toute interview liée à la chambre de compensation luxembourgeoise et de ne plus l’évoquer sur Internet, dans les journaux, à la radio, à la télévision. Cette décision est douloureuse mais réfléchie. Je la prends après ma lourde et incroyable condamnation pour diffamation (pour un montant de 12500 euros) par le tribunal de Bordeaux suite à des propos vieux de deux ans et plutôt modérés sur le fonctionnement de cette multinationale qui officie dans plus de cent pays, dont quarante paradis fiscaux. (...) Je jette l’éponge. C’est une victoire de Clearstream,de ses avocats, de ses juristes, de ses dirigeants, des banquiers de son conseil d’administration. Une victoire de la censure "
, écrit Denis Robert sur son blog ladominationdumonde.
" J’ai réalisé une enquête de première main, avec des dizaines de témoins différents. Huit ans de ma vie. Nous avons remporté de belles victoires, repoussé plusieurs dizaines d’assauts (judiciaires) de banques russes, luxembourgeoises ou de Clearstream devant les tribunaux français, belges, canadiens, suisses et même à Gibraltar. Mais ce n’est plus possible. Ma confiance envers la justice et les hommes qui ont à juger de mes écrits s’est émoussée. (...) Aujourd’hui en expliquant que des clients douteux se servent de Clearstream comme "d’un poumon à la finance parallèle" , je prends le risque d’être poursuivi. Et condamné. Alors que je peux prouver que des milliers de comptes sont ouverts chez Clearstream dans des paradis fiscaux qui abritent des milliards d’euros. C’est injuste. C’est ainsi."

Pendant vingt ans, Denis Robert a mis le projecteur sur l'économie de l'ombre, celle de l'argent sale, qui prolifère à travers les paradis fiscaux et menace aujourd'hui aussi bien le capitalisme que les démocraties. Rappelons que les 72 paradis fiscaux abritent, selon l'ONG TaxJustice network, 11 500 milliards de dollars,
(7 500 milliards d'euros), de quoi résoudre bien des problèmes sur terre. D'autant que ces places offshore se nourrissent en grande partie de l'évasion fiscale, de la corruption et de la criminalité organisée. Qui connaissait, avant les livres de Denis Robert, l'existence de Cleastream, l'une des principales chambre de compensation des transactions financières transfrontières (avec la belge Euroclear Bank et Clearnet à Paris et Londres) ? Si ces organismes ne produisent pas en tant que tel de l'argent sale, elles sont des véhicules empruntés par ceux qui ont besoin de le faire circuler.
La prise de conscience du rôle et des moyens (les transactions y sont informatisées, et donc traçées) de ces chambres de compensation pourraient permettre de lutter avec plus d'efficacité contre l'argent sale. Voire de mettre facilement en place un système de taxation des transactions financières.
Mais quels gouvervenements et quelles entreprises ou banques (qui en sont des utilisateurs) auraient intérêt à ce que l'on arrive à un tel niveau de transparence ?

La fragile indépendance de l'AFP (2)


Après s'être attaqué à la télévision (étouffement financier annoncé pour France Télévision, enrichissment par la publicité des chaînes de ses amis Bouygues et Bolloré, etc.), qui constitue l'unique source d'"information" pour une grande majorité des Français, les hommes de Sarkozy vont-ils s'en prendre à l'AFP, dont les dépêches abreuvent radios, journaux et internet ?

On pourrait y voir une tentative dans la récente proposition de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, de créer une sorte de " fil" AFP dédié aux communiqués des partis politiques. Une réponse faite à Frédéric Lefebvre, député UMP des Hauts-de-Seine, proche de Sarkozy, qui n'avait pas du tout apprécié que l'AFP ne mette pas illico en ligne sa réaction à la condamnation de Ségolène Royal (à verser des salaires à d’anciens collaborateurs, qui la poursuivaient en justice).
Jusqu'ici Pierre Louette, pdg de l'AFP, semble faire barrage aux attaques, des rangs de l'UMP, contre son agence. Cet énarque a pourtant travaillé au cabinet d' Edouard Balladur à Matignon entre 1993 et 1995 quand un certain Sarkozy était ministre du Budget et porte-parole du gouvernement. Mais si les deux hommes se connaissent, ils ne s'aiment guère. "Dans les couloirs de l’AFP, certains pensent que Super Sarko veut virer Louette, qu’il juge trop peu docile, pour placer un de ses proches. Jean-Pierre Elkabbach, Jean-Marie Cavada, Nicolas Beytout, Arlette Chabot, pourraient très bien diriger l’AFP, avec compétence et indépendance, cela va de soit", pointent des syndicalistes de l'agence.
Créée à la Libération, l'AFP, qui compte 2000 salariés (dont 1200 journalistes) dans le monde, revendique l'indépendance et l'impartialité de sa ligne éditoriale. Son statut lui interdit ainsi d'être directement financé par l'Etat. Seulement, l'Etat français est traditionnellement son premier client puisque 40% de son chiffre d'affaires provient des abonnements de services publics (aux ministères, préfectures, ambassades, etc).
En tant que premier client et membre du conseil d'administration, le représentant du gouvernement français contribue à la fixation du prix de l'abonnement ... au gré des moyens qu'ils souhaitent allouer à l'agence. Il oriente aussi des décisions non anodines telles que la renégociation du plan stratégique de l'agence ou du bail de l'AFP, place de la Bourse. Un emplacement stratégique, au coeur de Paris, qui lui permet de réagir au plus vite au moindre événement. Et de conserver sa place de troisième agence de presse mondiale. A condition de continuer à en avoir les moyens.

jeudi 29 mai 2008

AFP : à consommer avec modération ! (1)

L'AFP est à la fois la meilleure amie et la pire ennemie du journaliste. Les dépêches de l'agence, qui arrivent en permanence sur les écrans des rédactions abonnées, rendent de grands services. Elles alertent de la survenance d'un événement, de l'évolution d'une actualité ou de la réaction de tel groupement face à une actualité. Ces informations sont généralement vérifiées et recoupées par les journalistes de l'AFP, considérée comme l'une des meilleures agence de presse du monde avec l'américaine Reuters.
Cette crédibilité est un atout. Il permet, le matin, de préparer le contenu du journal, et, de le faire évoluer au fil de la journée. Le journaliste, qui se doit de mener l'enquête de son côté, pourra compléter son papier, au moment du bouclage, avec des informations récentes obtenues par l'AFP. Politiques, associations, ONG, entreprises, syndicats ... connaissent le " système médiatique " et savent qu'il est beaucoup plus efficace de contacter d'abord l'AFP pour faire part d'une information, plutôt que les différentes rédactions.
Si l'AFP choisit de diffuser l'information (qu'elle a donc distingué d'une communication, n'apportant rien au débat), celle-ci est en quelque sorte "adoubée". Les chefs de service et rédacteurs en chef des différentes rédactions la considèrent comme digne d'intérêt, quitte à mettre en doute ou ne pas entendre les réserves de leurs propres journalistes. Quel envoyé spécial ou correspondant régional n'en a pas fait l'expérience ? Sur le terrain, il a récolté de nombreux témoignages, qui lui ont donné l'idée de reportages et d'angles originaux. Exalté, il téléphone à son chef de service, resté, le nez collé à son écran. Et que s'entend-il répondre ? " En regardant les dépêches, j'avais pensé à d'autres sujets, comme ... "
Autre source de conflit : l'intégration, par le chef de service, de copier-coller de dépêche dans les articles de ses journalistes. Au motif qu'il fallait la toute dernière information. Si celle-ci était essentielle, d'accord. Sinon, cela méritait-il de casser le rythme d'un reportage ou d'enlever des éléments de compréhension ou d'analyse à une enquête ? A l'heure d'internet et de l'immédiateté de l'information, cette utilisation faite de l'AFP amplifie l'impression d'uniformisation des médias. Or, la presse écrite est morte si elle n'apporte pas de plus-value (décryptage, reportage, mise en perspective ...) par rapport aux médias chauds, que sont l'audio-visuel et l'internet.

mardi 27 mai 2008

The Sarkoshow must go on !

Il n'y aura pas de décompte du temps de parole du Chef de l'État à la télévision ou à la radio. La majorité UMP a rejeté (à 111 voix contre 57) la proposition de loi socialiste demandant la comptabilisation du temps de parole du président de la République et de ses collaborateurs dans les médias audiovisuels, afin de " garantir le pluralisme du temps de parole dans les médias audiovisuels ". Une telle demande avait déjà été refusée par le CSA, présidé par Michel Boyon, ami de 30 ans de Raffarin.
Le décompte du temps de parole du CSA reste donc régi par la vieille règle des trois tiers (opposition parlementaire / majorité parlementaire / exécutif), dont est exclu l'omniprésident. Avant lui, la parole présidentielle était rare. Mis à part pour Chirac lors du référendum sur la Constitution européenne, personne n'avait jugé bon de remettre en cause cette règle.
Dans une récente enquête, l'INA a comptabilisé 224 passages présidentiels aux JT de TF1 et France 2 de mai à août 2007. A titre de comparaison, Jacques Chirac, sur la même période en 1995, n'était apparu qu'à... 94 reprises. "Aujourd'hui, l'expression en faveur de l'UMP, président de la République et collaborateurs compris, a augmenté de 256 % sur TF1 et 196 % sur France 2 ", dénonce le député PS Arnaud de Montebourg, citant des chiffres du CSA. Les socialistes sont "inaudibles" car ils sont "au pain sec et à l'eau médiatiques", en concluait-il dans un entretien au Journal du Dimanche.
Reste que la surmédiatisation de l'Hôte de l'Elysée, qui a d'ailleurs provoqué sa chute dans les sondages, gêne aussi à droite. Parmi les propositions de la commission Balladur figurait la comptabilisation du temps de parole du président de la République dans le tiers accordé à l’exécutif. Par ailleurs, près du tiers des députés UMP présents (57 sur 168) n'ont pas rejeté la proposition socialiste.
Outre une question de légitimité médiatique, le temps d'antenne n'étant pas extensif (et Sarko faisant souvent la une des JT, avec un sujet pouvant durer 10 mn), une telle prise en compte aurait eu la vertu de rassurer les journalistes et les téléspectateurs de France Télévision, sur les intentions de l'Elysée à leur égard.
Pour l'heure, si la disparition de la publicité a été planifiée dans le temps, la commission Copé n'a toujours pas trouvé de sources de financement crédibles. Proposera-t-elle une hausse de la redevance, ainsi que du temps d'antenne (infini, donc) de Sarkozy ?

lundi 14 avril 2008

La colère n'a pas fini de monter dans les rédactions

La grève des journalistes du Monde n'est ni la première ni la dernière. C'est toute une profession, qui a aujourd'hui le couteau sous la gorge. Individualiste, habituée à être témoin et non acteur des événements, elle n'a pas senti l'étau de reserrer.
Les difficultés économiques, les plans sociaux, la folie des grandeurs de dirigeants sans vergogne, leurs salaires démesurément élevés, la précarisation, le stress, les lendemains incertains ... Tous les sujets, omniprésents dans les pages économiques des quotidiens, concernent désormais directement cette profession, qui n'est certes pas exempte, de critiques (certaine arrogance, connivence, déconnection des soucis des classes populaires, etc.)
Pour la première fois de leur histoire, les salariés du Monde ont donc fait grève aujourd'hui contre le projet de la direction de supprimer 130 emplois au quotidien, dont un quart à la rédaction (85 à 90 journalistes), ainsi que différents titres du groupe, comprenant les mythiques Cahiers du cinéma.
Les journalistes du Monde s'attendaient à des mesures drastiques pour redresser leur titre, confronté à sept exercices consécutifs de pertes et à un lourd endettement, mais ils refusent que les suppressions d'emplois se fassent, comme cela est envisagé, par des départs contraints et exigent l'abandon des projets de cession de magazines (Danser, Les Cahiers ...).
Ces titres n'avaient pas été demandés à être rachetés par Le Monde lors de la "course en avant" orchestrée par l'ex président du Conseil d'administration Alain Minc, l'un des conseillers de Sarkozy (On lui doit la télé publique sans pub ... et sans sous). Pas plus que les salariés du Monde n'avaient souhaité déménager dans les luxueux locaux du bd Blanqui, loués 8 millions d'euros par an.
Les journalistes s'interrogent sur les conséquences de ce plan sur la qualité du Monde, alors que, selon les syndicats, le projet éditorial de la direction "tient en trois phrases" autour du constat que le "lecteur urbain s'intéresse essentiellement à l'économie, à la géopolitique et à l'environnement".
La qualité est aussi au coeur des préoccupations des salariés du groupe catholique Bayard (La Croix, Le Pélerin, Okapi, Pomme d'Api, etc.), dont les effectifs sont passés en quelques mois de plus de 1000 à moins de 900. Plans sociaux et perspectives d'un déménagement à Montrouge (dans des locaux prévus pour à peine plus de 800 salariés) ont conduit à cette fonte des effectifs, " à charge de travail équivalente, et même supérieure, du fait des départs non remplacés et de ce qui est demandé en plus sur le net", précise une déléguée syndicale SNJ.

mercredi 2 avril 2008

L'information suspendue à la pub

A ceux qui ne jurent que par la gratuité, quelques chiffres à méditer.
Aux Etats-Unis, le marché publicitaire s'est fortement ralenti en 2007.
Selon, le « Newspaper association of America », les dépenses des annonceurs dans les journaux américains ont chuté de 9,4% en 2007, atteignant 44,2 milliards de dollars, contre 44,2 un an plus tôt. On parle, outre-Atlantique, de la plus importante baisse enregistrée dans le pays depuis 57 ans ...
Dans le détail, la presse quotidienne est la plus touchée, enregistrant des baisses de plus de 7%, suivi par les télévisions (-1,5% à – 5,1%) et les réseaux de radios nationaux (-3,9%). Certes, une partie des annonceurs a simplement reporté leur budget sur le Net, qui a encore connu une forte croissance (+18,9%) cette année. Cette hausse est cependant moins importante qu'en 2006 et le Net représente seulement 7% de la pub.
Depuis l'été, la menace d'une récession économique a conduit les annonceurs à faire des coupes dans leurs budgets. Comme à l'accoutumée, celui de la pub a été l'un des premiers sacrifiés. Ainsi, les dix premiers groupes américains ont réduit leurs dépenses publicitaires de 4%, à 17,9 milliards, l'an dernier, la palme revenant à General Motors, avec une baisse de 12%.
Faire dépendre l'information de la seule publicité, c'est risquer de faire disparaître un pilier de la démocratie. Et d'entrer dans l'ère de la seule communication. Mais n'est ce pas le rêve secret des politiques et des multinationales qui nous gouvernent ?

samedi 22 mars 2008

Voyages de presse : y aller ou pas ?

Régulièrement, les journalistes reçoivent des invitations d'entreprises, d'institutions privées ou publiques, voire de ministères.
Doivent-ils les accepter ? Dans un monde idéal, où la presse aurait les moyens d'assurer son indépendance et de financer le moindre déplacement de ses journalistes, la réponse serait bien entendue négative. Mais la crise de la presse, qui s'est intensifiée avec l'idéologie de la gratuité (Internet, journaux gratuits), a eu comme conséquence de réduire encore le budget pour les reportages.
De moins en moins fréquentes sont les occasions pour un journaliste de partir en reportage plus de deux jours en France ou cinq à l'étranger, aux seuls frais de la rédaction et en montant de A à Z ses reportages. Cela arrive plusieurs fois par an, dans la limite du budget de reportage annuel alloué au service. Certains médias sont mieux lotis budgétairement, comme Le Figaro, Paris Match ou les équipes de télé TF1. Pour les autres, c'est souvent serrage de ceinture, économies et système D.
Dans ce fameux système D, il y a le voyage de presse. " Si c'est gratuit, OK ! ", réagit souvent un chef de service à qui on fait part d'une invitation reçue, potentiellement intéressante. Que peut-il précisément faire son intérêt ? La rareté de l'occasion (visiter une industrie de l'intérieur), l'originalité du sujet (le Slow movement, le mouvement de la lenteur), le carnet d'adresse à glaner (des chefs d'entreprises, ordinairement peu acceptibles, ou les super conseillers des ministères, qui suivent les dossiers au jour le jour).Le journaliste doit évidemment toujours se demander pourquoi on l'invite et ce qu'on attend de lui. Sachant que les contre-parties sont rarement évoquées au préalable. L'invitant rêve bien-sûr d'un article élogieux en échange. Mais il n'est pas dupe. Travaillant sur le long terme, il recherche surtout à établir une relation de sympathie, donc de connivence, avec le journaliste, espérant, en cas de coup dur, de pouvoir bénéficier de sa comppréhension ou de son empathie.Conscient de ce que l'on attend de lui, il appartient au journaliste d'établir la bonne distance, de prendre sans promettre de donner. " Le journaliste, c'est le contact et la distance", disait Hubert Beuve-Méry, le fondateur du journal le Monde.

jeudi 6 mars 2008

Commentaires sur internet, dernier espace de liberté

Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation

Les autorités politiques chinoises ne s’y sont pas trompées : la circulation des idées par Internet est dangereuse. Mais le danger n’est pas toujours là où on le croit. Ce sont moins pas les sites organisés ou les blogs qui le sont, que les flots de commentaires qui les accompagnent. Chaque article « en ligne » provoque des dizaines, parfois des centaines de "réactions". De vrais dialogues s’amorcent, qui se poursuivent parfois d’un article à l’autre.
Une expérience récente m’a permis de mesurer cet « effet commentaire », fulgurant, sur un reportage, diffusé par le site rue89, sur une expérience de coopération dans le domaine éducative menée à Niamey au Niger. Sur 230 élèves, 64 sont pris en charge par des parrains, qui versent chacun 200 € par an et par élève pendant six ans. Ce n’est pas énorme, mais suffisant pour couvrir les frais de scolarité d’enfants totalement démunis. Dans l'article, j’oppose cette entreprise sympathique à d'autres actions de coopération douteuses, fleurant bon le néo-colonialisme. Je vise, on l’a compris, l’affaire de l’Arche de Zoë.
Aïe, aïe… Je n’imaginais pas le virulence des réactions. Je me suis vu traiter d’agent infiltré des RG, d’espion, de bobo béat et bêtifiant. En gros, me voici devenu un agent du capitalisme souterrain, exploitant ces braves Africains. Je cite : « Cette article sirupeux et hypocrite pondu par un soit disant journaliste d'investigation ne prend même pas la peine de relever non plus que les "Amis de Bassatia" ( avec faute dans le nom ) sont sponsorisés par le Rotary Club de Saintes, par le groupe Total, par Dior et j'en passe. »
Ça c’est le côté négatif des réactions : les lecteurs lisent les papiers en diagonal, réagissent à côté de la plaque, plus soucieux d’exprimer des idées parfois malveillantes que d’entrer dans la discussion.
A l’inverse, même quand ils sont critiques, d’autres correspondants saisissent l’occasion pour ouvrir le débat sur la coopération culturelle. Quelle peut être la nature de cette coopération ? Comment peut-elle se déployer ? " Est ce que les africains, dans toute leurs diversités et pour justement s'en sortir, ont intérêt à faire l'économie d'aide au développement même si elle est teintée de bon sentiment ?", demande un second internaute.
L’amorce de ce débat par réactions interposées démontre s’il le fallait l’intérêt majeur des communications internet : elles sont immédiates, spontanées, souvent pertinentes. C’est un nouveau monde à explorer. Certains sites commencent même à stocker les réactions pour en analyser la teneur et la portée. Mon papier a déclenché un deuxième effet, inattendu, voir stupéfiant. Comme j’y évoquais de façon incidente l’affaire « Arche de Zoë », certains internautes se sont précipités sur cet aspect comme la pauvreté sur le monde. Ils m’ont transmis un certain nombre d’informations à propos de l’équipe qui a animé cette déplorable initiatives, pas vraiment signifiantes pour eux. Or il se trouve qu’elle m’ont permis d’établir de façon formelle la collusion manifeste entre les instances supérieures de l’UMP, un ministre en exercice et ses conseillers médicaux, et l’équipe de l’Arche. Ce qui m’a conduit à trouver la clé de l’engagement mystérieur et apparemment aberrant du Président Sarkozy, l’incitant à aller chercher lui-même au Tchad les animateurs de l’Arche arrêtés par les autorités tchadiennes ! Le Président est parti récupérer des proches ...

mercredi 20 février 2008

Urgente fin de gabegie au Monde

David Guiraud doit faire son entrée au Monde demain, en tant que vice-président du directoire. Il réclamait 400 000 euros de salaire (il en gagnait 500 000 en tant que DG aux Echos) pour accomplir sa mission : redresser les comptes du journal ! Mais le représentant de Lagardère (qui espérait grâce à Minc pouvoir prendre le contrôle du Monde avec Prisa) a bataillé contre le niveau du salaire, lequel serait finalement ramené à 300 000 euros.
Loin de s'être transformé en consciencieux gestionnaire, le groupe d'Arnaud Lagardère, "le frère" de Sarkozy, ne veut pas de David Guiraud. Malgré ses prétentions, indécentes par rapport au salaire moyen des Français et à la situation financière du groupe, l'homme jouit d'une bonne réputation. Il pourrait bousculer certaines mauvaises habitudes. Et faire du ménage dans des dépenses somptuaires.
D'après un journaliste syndiqué, Colombani disposait durant son règne de deux voitures avec chauffeur. Une dizaine de cadres dirigeants continueraient à bénéficier de véhicules professionnels. " Alors qu'il y avait, avant l'ère Minc-Colombani-Plenel, trois voitures de fonction pour l'ensemble de la direction. Et que 250 journalistes suffisaient faire Le Monde, contre 340 aujourd'hui. " En digne successeur, Jeantet a versé, avant sa démisson du directoire et son départ pour Sud-Ouest, des primes à plusieurs hauts cadres de l'admistration du journal pour un total qui avoisinerait 300.000 euros. Le plus coûteux restent néanmoins la boulimie d'achats (Midi Libre, Télérama, Les Cahiers du cinéma, etc.) téléguidés par Minc et la folie des grandeurs qu'incarne le nouveau siège du Monde, loué 8 millions d'euros par an à la Deutsche Bank.
Des journalistes du Monde ont tellement la nausée (et peur pour leur entreprise), qu'ils réclament au plus vite la mise en place d'un "plan de redressement". " On est prêt à tout mettre sur la table, y compris les départs volontaires et les RTT, à condition que l'on fasse aussi des sacrifices au niveau de la direction.", assure un journaliste du syndicat SNJ. La fourchette du nombre de départ, qu'envisageait Pierre Jeantet (remplacé par Eric Fottorino), oscillait entre 80 et 150 départs au niveau du groupe (1600 personnes). " Ce plan pourrait prévoir 150 départs sans recapitalisation, et 100 avec recapitalisation", avait précisé Minc.
Une recapitalisation relancerait le débat sur le risque de dilution des pouvoirs de la Société des rédacteurs, et donc de la dépendance du journal, ultime quotidien encore détenu par ses journalistes. Or si Minc est parti la tête haute, en laissant sa place à Louis Schweitzer, ex pdg de Renault, il pourrait bien continuer à jouer aux marionnettes. " Je vous humilierai ", a-t-il lancé il y a quelques jours à Eric Fottorino, qui, en revenant sur sa démission du 19 décembre, a fait échouer ses plans : mettre le Monde dans les mains de l'ami Lagardère et de Prisa, tout en anéantissant les pouvoirs de la Société des rédacteurs, dont Minc est néanmoins parvenu à faire imposer la démission du vaillant Jean-Michel Dumay.

dimanche 10 février 2008

Pourquoi XXI doit cartonner ?

Bonne nouvelle : XXI, le nouveau trimestriel d'information et de grand reportage publié par les Arènes, se vend bien dans les librairies. Il figurait, il y a encore quelques jours, au top 5 des meilleures ventes "Essai" de Libre Hebdo. Malgré son prix (15 euros). Et son volume (200 pages).
Il existerait donc, en France, un bataillon de citoyens capables de débourser une somme rondelette pour plonger dans des reportages pouvant dépasser dix pages et écrits à la première personne du singulier ? Ce n'est pas exclu. Depuis des années, les Etats-Unis se délectent bien des reportages fleuves de The New Yorker, Atlantic Montly ou Vanity Fair, qui font la fierté de la presse américaine.
C'est à un Français, Albert Londres, que se réfère le premier numéro de XXI. "Messieurs, vous apprendrez qu'un reportage ne connaît qu'une ligne, celle du chemin de fer", avait lancé le célèbre grand reporteur, en claquant la porte d'un quotidien qui lui reprochait de ne pas "être dans la ligne". Un journaliste n'a, disait-il, "pas à être pour ou contre, son rôle est de porter la plume dans la plaie". Comme leur illustre confrère, la vingtaine de journalistes, écrivains ou dessinateurs, qui ont participé au numéro un (consacré à la Russie), s'efforcent, par la qualité de l'écriture et de l'image, d'emporter le lecteur dans des univers aussi divers que celui du sulfureux opposant russe Edouard Limonov (par Emmanuel Carrère), de la courageuse (défunte) journaliste Anna Politkovkaïa (Laure Mandeville) ou du philosophe Michel Onfray (Judith Perrignon). Mention spéciale pour le récit en photow de Carl de Keyzer dans d'anciens goulags, transformés en prison. Et palme de l'originalité pour les reportages BD sur les femmes de prisonniers (Stéphane Mercurio) et les clandestins de Gibraltar (Jean-Philippe Stassen).
Sur le plan financier, et par souci d'indépendance, XXI fait le pari risqué du "0 publicité". Ses actionnaires (l'éditeur Laurent Beccaria, le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, Gallimard, Flammarion ...) ont besoin de 20.000 lecteurs fidèles pour continuer l'aventure. Et prouver qu'il existe un avenir pour une presse de qualité.

dimanche 3 février 2008

20 000 euros, l'interview de Cécilia à L'Est Républicain ?

Sarkozy se rend demain à l'aciérie de Gondrange (Moselle), où ArcelorMittal s'apprête à supprimer plus de 600 emplois. A l'index présidentiel, brillera une alliance. Celle que L'Est Républicain, l'un des deux grands quotidiens lorrains, lui avait mise au doigt quinze jours trop tôt ...
Le 14 janvier dernier, Laïd Sammari, l'auteur de ce vrai faux scoop, affirmait, dans un article mainte fois repris, que Nicolas et Carla se "seraient" mariés à l'Elysée dans la plus stricte intimité le jeudi précédent, selon "une source proche d'un témoin qui aurait assisté à la cérémonie". Un double conditionnel à faire se retourner dans sa tombe Hubert-Beuve-Méry, le fondateur du Monde, qui disait « Le journalisme, c'est le contact et la distance. »
Le pourtant sérieux L'Est Républicain (l'un des rares quotidiens régionaux à encore être doté d'un service de grand reportage) n'en était pas à son premier aveuglement médiatique. Le bond potentiel de ventes (et de reprises par les autres médias), déclenché par un "scoop people", lui avait fait accepter, les 4 septembre et 19 octobre dernier (avant et après le divorce de l'ex couple présidentiel), deux "interviews exclusives" de Cécilia.
L'auteur était un certain Yves Derai, que presque tous les médias ont présenté comme un journaliste de L'Est Républicain. Le souci est qu'absolument personne n'avait jamais entendu parler de lui au sein du dit journal.
D'après des sources internes, Yves Derai aurait téléphoné à L'Est Républicain, comme à d'autres titres, pour proposer l'interview de Cécilia, dont il était devenu un confident. Après l'accord sur le principe, serait venu celui sur le prix. Pierre Taribo, l'ex directeur de l'Est Républicain, aurait accepté de débourser 20.000 euros pour la première interview, puis la même somme pour la seconde, soit 40.000 euros pour les deux, le coût de deux salaires annuels de journalistes débutants à temps plein ...Précisons que ce type de pratiques, si elles ont cours dans la presse people ou en Angleterre, étaient jusqu'ici bannies, pour des raisons éthiques, dans la presse généraliste française. Qu'elles viennent de surcroît d'un journaliste n'a rien de rassurant. Car le dit Yves Derai est bel et bien présenté ainsi. Ex journaliste à TF1, puis directeur de BFM, ce grand reporteur au Nouvel Economiste dirige également la maison d'édition Du Moment. Parmi les ouvrages publiés, on trouve un livre de Borloo, des ouvrages sur Fillon, Villepin, les coulisses de la campagne de Sarkozy, mais surtout Ruptures, fruit des confidences de Cécilia, écrit par Michaël Darmon et Yves Derai.

dimanche 27 janvier 2008

Le "0 pub" contre le "tout gratuit"

Par Nina Perez, journaliste

2007 consacra l'apothéose du leurre de la gratuité. Tout devait l'être. Même les journaux. Au risque de disparaître aux premiers signes de récession économique. Les budgets publicitaires étant généralement les premiers que les entreprises sacrifient en cas de retournement de tendance.
Les journaux qui se sont crées sur internet, comme Rue89 ou bakchich sont de qualité. Ils ont su trouver un ton et fleurer l'air du temps pour des sujets différents, se démarquant des grands médias qui ont le nez collé sur l'agenda (notamment présidentiel). La publicité en ligne n'a pas semblé entacher leur indépendance rédactionnelle. Mais, il est difficile d'imaginer, qu'elle puisse, à elle-seule (la pub par internet étant très peu rémunératrice en France), permettre de financer, à long terme, une équipe de journalistes (salaire décent, moyens de travailler et de se déplacer ...).
C'est dans ce contexte qu'une nouvelle race de chevaliers est apparue en ce début 2008 : les "0 pub". Le futur site d'informations Mediapart ou le nouveau magazine de grand reportage XXI, lancé mi-janvier par l'éditeur Les Arènes, font le pari de vivre en se passant de la manne apportée par les annonceurs.
Convenant que la publicité corrompt, tant les intérêts des acteurs de l'économie et du politique sont aujourd'hui mêlés, ces titres espèrent vivre du seul pécule apporté par leurs lecteurs. Tel est, pour eux, le prix d'une presse indépendante, enquêtante, décodante et impertinente. Ils veulent croire que suffisamment de citoyens, exigeants et en quête de sens critique, soutiendront la démarche.
Les journalistes sont les premiers à espérer que le pari fonctionne (il en va de la survie de leur métier dans un monde de la communication). Si ce n'était pas complètement le cas, que ces nouveaux médias ne se privent pas, pour des (nobles) questions de principe, d'une manne facile. Il est possible de ne pas se faire dicter la loi par la publicité. En attirant des annonceurs qui partagent une éthique commune. Ou, en suivant l'exemple de nos confrères de "La feuille", un journal satirique plus que trentenaire du Lot-et-Garonne : accepter la pub, et, au moindre coup de fil mécontent de l'annonceur (par rapport à un papier), rédiger un article détaillé sur le contenu de l'échange téléphonique ... Au moins l'annonceur est prévenu des règles du jeu !

mercredi 23 janvier 2008

L'"érection" du pouvoir

En ces temps d'aveuglement médiatique dans le traitement de l'actualité élyséenne, il est bon, et salutaire, de lire la presse étrangère. Lucide, caustique, mais aussi cruelle, elle NOUS regarde LE regarder. Avec nos doutes. Nos envies de changement diffuses. Nos contradictions. Et notre honte.
« De l'élégance, que diable ! » titrait un article du Times, repris par (l'excellent) Courrier International de cette semaine. « Depuis sa conférence de presse du 8 janvier, Nicolas Sarkozy est devenu le lauréat incontesté du prix Silvio Berlusconi de l'homme politique le plus embarrassant de l'année », débute le papier. Le journal londonien estime que le président français doit surtout sa plongée dans les sondages à sa vie amoureuse. « La faute de Sarko aux yeux des Français, c'est une sorte de crime contre l'élégance à la française, un manquement aux préceptes d'un certain savoir-vivre présidentiel. Vu de Paris, il est tout à fait acceptable que le président français tombe amoureux mais d'une façon si peu raffinée et si américaine, non !».
« C'est Berlusconi au carré », renchérit le Corriere della Sera, à Milan. « A Paris, on se paie la tête de Sarko et on fait la queue pour voir le film de la soeur de Carla, Actrices, dans lequel leur mère se lamente parce sa fille aînée (Valéria) ''aurait pu épouser un prince'' ». Et l'éditorialiste de se gausser de ce «  fameux sens de l'Etat qui s'évanouit entre le papier glacé des magazines, les insultes des blogueurs et l'agacement contre ce président qui se fiance et part en vacances alors que les prix grimpent en France aussi ».
« Sur l'échiquier mondial, il ne semble pas y avoir chef d'Etat plus satisfait de l'être, d'homme qui tire un meilleur parti de l'exposition médiatique qu'implique sa charge, de mâle plus exultant sur ses conquêtes », estime de son côté Terra Magazine, depuis Buenos Aires. « Nicolas Sarkozy s'amuse beaucoup et veut montrer à quel point le pouvoir le remplit d'énergie pour mieux désirer et être désiré, pour faire de son mandat une fête permanente, une ivresse de lui-même, une érection. »

mardi 8 janvier 2008

Le cadeau empoisonné fait à France Télévision

Supprimer la publicité sur les chaînes publiques et leur enjoindre de diffuser un programme digne du service public. Quel grincheux oserait critiquer la belle promesse faite par Sarkozy à France 2 ou France 3 ? Le financement pourrait être assuré "par une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d'affaires de nouveaux moyens de communication, comme l'accès à internet ou la téléphonie mobile", a suggéré le chef de l'Etat lors de ces voeux à la presse.
Comment ne pas applaudir ? Les premiers à le faire ont été les investisseurs des chaînes de télévision privées, telles que TF1, LCI (Bouygues), Direct 8 (Bolloré). Tous se lèchent les babines à l'idée de se partager les 800 millions d'euros de recettes publicitaires touchées par France Télévision en 2007. Aussitôt après les propos de Sarkozy, les actions de TF1 grimpaient ainsi de 18% et celles M6 Métropole TV de 17,5%, tandis que celle Bouygues, maison mère de TF1, prenait 3,30%.
Georges-Marc Benamou, conseiller présidentiel pour l'audiovisuel, selon lesquel "l'Etat n'a pas défini le service public, a demandé aux dirigeants de France Télévision d'être schizophrènes, en clair d'avoir l'image d'Arte et l'audience de TF1". Dans quelques mois, les nouveaux programmes culturels et éducatifs de France 2 et France 3 détourneraient ainsi des millions de spectateurs des émissions de télé-réalité et feuilletons ''décervelants'' de TF1 et M6 ! Quelle ambition ! Comme on aimerait y croire.
Un tel bouleversement supposerait des moyens importants. Or, si une imposition de 10% taxait le surplus de recettes publicitaires des chaînes privées, cela ne ferait rentrer que 80 millions (sur 800) dans les caisses de France Télévision. Quant à l'autre taxe, sur Internet ou la téléphonie mobile, on peut faire confiance aux lobbystes pour la réduire en poussière. C'est donc avec un financement plus qu'incertains que France Télevision devrait se muer en BBC.
Ce que l'on peut davantage anticiper, outre une drastique restructutation de France Télévision (et la privatisation de France 2), est que le surplus de manne publicitaire permettra à Bouygues de grossir ses profits pour s'offrir le champion du nucléaire Areva et revendre TF1 à Bolloré, autre grand ami de Sarkozy, spécialisé dans le transport et la communication présidentiels.

mardi 1 janvier 2008

Bonne année et bons papiers !


Par Nina Perez, journaliste

Amis de la presse libre et indépendante, que 2008 vous redonne la frite ! 2007, l'année où la presse généraliste s'est mise à singer la sarkomania de TF1 et la pipolisation de Paris Match est enterrée, vive 2008 !
Gageons que les leçons de ces derniers mois seront tirées. Et que Christian Salmon, l'auteur de "Storytelling", sera invité dans les grands JT pour faire entendre sa petite musique salutaire.
Dans son dernier ouvrage, le chercheur décrypte la façon dont les politiques endorment l'opinion publique en lui racontant des histoires. Mieux que la météo, mieux qu'une série télévisée, le bon peuple se voit quotidiennement offrir sa " story du jour ".
" Sarkozy, explique Christian Salmon, applique les techniques de contrôle des médias que le Bureau d’information de la Maison-Blanche a mises au point progressivement depuis Reagan, jusqu’à Bill Clinton et George W. Bush. Dick Cheney l’actuel vice-président, l’exprime sans détour : ''Pour avoir une présidence efficace, la Maison-Blanche doit contrôler l’agenda. Si vous laissez faire la presse, ils saccageront votre présidence...'' Dans ce but, à Washington, le pouvoir présidentiel doit chaque jour inventer une histoire, qui capte et focalise l'attention des médias et du public."
Plus efficace que la propagande classique, le storytelling ne cherche pas à modifier les convictions, mais s'adresse à l'émotion publique. " Les citoyens ne sont plus considérés comme des électeurs qui doivent se faire une opinion, mais comme une audience à capter et à conserver. C’est la logique de l’audimat. Avec Nicolas Sarkozy, la nature et le rythme des décisions politiques se soucient désormais moins de cohérence que de rythme, moins d’action que d’une mise en scène du président qui obéit aux règles du suspense."
Face à cette forme de communication particulièrement perverse, la presse d'information doit plus que jamais prendre du recul, approfondir, décrypter, être le réceptacle de la majorité silencieuse. Bref, revenir aux fondamentaux. Au risque de disparaître.