L'AFP est à la fois la meilleure amie et la pire ennemie du journaliste. Les dépêches de l'agence, qui arrivent en permanence sur les écrans des rédactions abonnées, rendent de grands services. Elles alertent de la survenance d'un événement, de l'évolution d'une actualité ou de la réaction de tel groupement face à une actualité. Ces informations sont généralement vérifiées et recoupées par les journalistes de l'AFP, considérée comme l'une des meilleures agence de presse du monde avec l'américaine Reuters.
Cette crédibilité est un atout. Il permet, le matin, de préparer le contenu du journal, et, de le faire évoluer au fil de la journée. Le journaliste, qui se doit de mener l'enquête de son côté, pourra compléter son papier, au moment du bouclage, avec des informations récentes obtenues par l'AFP. Politiques, associations, ONG, entreprises, syndicats ... connaissent le " système médiatique " et savent qu'il est beaucoup plus efficace de contacter d'abord l'AFP pour faire part d'une information, plutôt que les différentes rédactions.
Si l'AFP choisit de diffuser l'information (qu'elle a donc distingué d'une communication, n'apportant rien au débat), celle-ci est en quelque sorte "adoubée". Les chefs de service et rédacteurs en chef des différentes rédactions la considèrent comme digne d'intérêt, quitte à mettre en doute ou ne pas entendre les réserves de leurs propres journalistes. Quel envoyé spécial ou correspondant régional n'en a pas fait l'expérience ? Sur le terrain, il a récolté de nombreux témoignages, qui lui ont donné l'idée de reportages et d'angles originaux. Exalté, il téléphone à son chef de service, resté, le nez collé à son écran. Et que s'entend-il répondre ? " En regardant les dépêches, j'avais pensé à d'autres sujets, comme ... "
Autre source de conflit : l'intégration, par le chef de service, de copier-coller de dépêche dans les articles de ses journalistes. Au motif qu'il fallait la toute dernière information. Si celle-ci était essentielle, d'accord. Sinon, cela méritait-il de casser le rythme d'un reportage ou d'enlever des éléments de compréhension ou d'analyse à une enquête ? A l'heure d'internet et de l'immédiateté de l'information, cette utilisation faite de l'AFP amplifie l'impression d'uniformisation des médias. Or, la presse écrite est morte si elle n'apporte pas de plus-value (décryptage, reportage, mise en perspective ...) par rapport aux médias chauds, que sont l'audio-visuel et l'internet.
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