Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
En dehors de l’affaires des enfants enlevés, les événements au Tchad posent de façon aiguë la question de l’opportunité pour des journalistes de s’embarquer dans des opérations hasardeuses et mal contrôlées, dans l’espoir de monter un beau coup de presse.
Le système du " journaliste embedded " (intégré) peut se justifier en zone difficile pour bénéficier d'une certaine protection. Comme nous l’avons déjà souligné, les institutions, l’armée, les grandes ONG, les organismes intergouvernementaux sont les premiers à proposer ce genre de mission.
L’intérêt du système n’a pas échappé aux ONG plus modestes, et surtout ceux qui évoluent en marge. Elles voient dans le système « embedded » un bon moyen pour se faire mousser à peu de frais. On voit donc des journalistes écartés des grandes opérations classiques, engagés dans des « coups » plus ou moins glauques. Si ça réussit, tout le monde est bénéficiaire. Malheureusement, les chances de réussite sont minimes parce que les objectifs des promoteurs sont flous, souvent très mal ficelés et peu ou pas financés.
Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, les trois journalistes impliqués opéraient hors des structures des rédactions, sans que l’ONG soit à même de leur garantir une sécurité minimum, et encore moins le succès journalistique.
Effet pervers du ratage de l’opération principale : les journalistes se sont vu reprocher d’être complices des responsables de l’ONG poursuivis par les autorités tchadiennes. Ils ont eu la chance de recevoir l’appui in extremis du Président de la République. Mais sur le fond, en Afrique et dans le tiers monde, on n’en a pas moins conclu : les journalistes sont complices, ils sont sortis de leur rôle d’observateur.
Il serait intéressant de savoir pourquoi les journalistes embarqués dans cette galère n'ont rien publié dans le courant de l'opération (simples problèmes de transmissions ?). Passe encore qu'ils n'aient pas vu que les enfants n'étaient pas vraiment des orphelins. Mais pourquoi ne se sont-ils pas aperçus dès le départ qu'il s'agissait d'une initiative très limite. Pourquoi n'ont-ils pas filmé, photographié ou simplement observé la " récolte " des enfants ?
Leurs explications à venir diront s'ils ont agit comme des journalistes ou comme de simples auxiliaires de communication. Principal enseignement du fiasco : quand la structure d'accueil est trop faiblarde pour garantir au journaliste " embedded " un minimum de sécurité, le risque (de sortir de son rôle de journaliste) peut être trop grand par rapport aux objectifs. Le système de « l’embeded » trouve là sa limite.
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1 commentaire:
ehh. love this text
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