Gros blues dans les rédactions. Ce que beaucoup de journalistes préssentaient avant l'élection de Sarkozy se confirme. En pire. Un journal, La Tribune, va être vendu pour ... un euro. Bernard Arnault(groupe LVMH), qui a fait passer ses pertes de 17 millions de francs à 17 millions d'euros en 15 ans, s'apprête à s'en séparer pour s'offrir son concurrent Les Echos, jugé plus prestigieux pour faire mousser sa soixantaine de marques, ainsi que les faits et gestes de son ami Sarkozy, dont il fut le témoin de mariage.
Autres amis de l'Elysée, le directeur de la rédaction du "Figaro" Nicolas Beytout (sa nomination a même été annoncée par Sarkozy) dirigera le nouveau pôle médias de LVMH, tandis qu'Etienne Mougeotte, ancien vice-président de TF1, le remplacera. Selon la rumeur, LVMH lorgnerait aussi sur TF1 et le Financial Times, journal européen de référence, aujourd'hui très critique sur la politique de Sarkozy en matière économique. Rappelons que parmi les autres meilleurs amis de l'Elysée, figurent Arnaud Lagardère (Journal du Dimanche, Paris Match ...), Martin Bouygues (TF1, LCI ...), Vincent Bolloré (Direct Plus, Direct Soir ...), Alain Minc (Le Monde), etc.
Malgré les cris d'alertes des journalistes directement concernés, ce rabattement des cartes médiatiques s'opère dans l'indifférence générale. Peu de chance que TF1, France 2 ou Europe 1, chaînes amies, ne fassent les gros titres sur les conflits d'intérêt et problèmes d'indépendance de la presse ainsi posés.
Quant aux services de communication de l'Elysée et des principaux ministères, ils ont une même priorité : montrer des images de leurs patrons, accompagnés d'un minimum de commentaires, dans les journaux les plus lus ou regardés par les Français (Paris Match, TF1...). Pour le reste de la presse : service minimum. Qui lit encore des journaux ? Des intellos, des gauchistes, des cultureux ...
Rarement autant de journalistes se sont faits ainsi tirer les oreilles par les services de presse d'un ministère pour un article jugé défavorable à leur boss. Avec des "sanctions" immédiates : plus d'invitation au Quai d'Orsay lors de passage de ministres étrangers, plus de conférence ou voyage de presse de l'Elysée, plus de rappel téléphonique quand un journaliste demande à avoir un détail ou à confirmer une information d'urgence avant de boucler un article ...
Pendant ce temps, la vulgarité et le clientélisme continuent. Un Président qui s'exprime comme un charretier, une ministre qui s'invente des diplômes, des cessations de poursuites pour les amis, la dépénalisation du droit pénal pour les patrons voyous, des réductions d'impôts pour ceux qui en ont le moins besoin ... Mieux vaut, dans un tel contexte, tenter de controler les médias pour que certaines informations ne sortent pas ou, alors, accompagnées d'un commentaire explicatif à la sauce élyséenne.
jeudi 29 novembre 2007
samedi 24 novembre 2007
Candides journalistes " embedded " au Tchad ?
Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation
En dehors de l’affaires des enfants enlevés, les événements au Tchad posent de façon aiguë la question de l’opportunité pour des journalistes de s’embarquer dans des opérations hasardeuses et mal contrôlées, dans l’espoir de monter un beau coup de presse.
Le système du " journaliste embedded " (intégré) peut se justifier en zone difficile pour bénéficier d'une certaine protection. Comme nous l’avons déjà souligné, les institutions, l’armée, les grandes ONG, les organismes intergouvernementaux sont les premiers à proposer ce genre de mission.
L’intérêt du système n’a pas échappé aux ONG plus modestes, et surtout ceux qui évoluent en marge. Elles voient dans le système « embedded » un bon moyen pour se faire mousser à peu de frais. On voit donc des journalistes écartés des grandes opérations classiques, engagés dans des « coups » plus ou moins glauques. Si ça réussit, tout le monde est bénéficiaire. Malheureusement, les chances de réussite sont minimes parce que les objectifs des promoteurs sont flous, souvent très mal ficelés et peu ou pas financés.
Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, les trois journalistes impliqués opéraient hors des structures des rédactions, sans que l’ONG soit à même de leur garantir une sécurité minimum, et encore moins le succès journalistique.
Effet pervers du ratage de l’opération principale : les journalistes se sont vu reprocher d’être complices des responsables de l’ONG poursuivis par les autorités tchadiennes. Ils ont eu la chance de recevoir l’appui in extremis du Président de la République. Mais sur le fond, en Afrique et dans le tiers monde, on n’en a pas moins conclu : les journalistes sont complices, ils sont sortis de leur rôle d’observateur.
Il serait intéressant de savoir pourquoi les journalistes embarqués dans cette galère n'ont rien publié dans le courant de l'opération (simples problèmes de transmissions ?). Passe encore qu'ils n'aient pas vu que les enfants n'étaient pas vraiment des orphelins. Mais pourquoi ne se sont-ils pas aperçus dès le départ qu'il s'agissait d'une initiative très limite. Pourquoi n'ont-ils pas filmé, photographié ou simplement observé la " récolte " des enfants ?
Leurs explications à venir diront s'ils ont agit comme des journalistes ou comme de simples auxiliaires de communication. Principal enseignement du fiasco : quand la structure d'accueil est trop faiblarde pour garantir au journaliste " embedded " un minimum de sécurité, le risque (de sortir de son rôle de journaliste) peut être trop grand par rapport aux objectifs. Le système de « l’embeded » trouve là sa limite.
En dehors de l’affaires des enfants enlevés, les événements au Tchad posent de façon aiguë la question de l’opportunité pour des journalistes de s’embarquer dans des opérations hasardeuses et mal contrôlées, dans l’espoir de monter un beau coup de presse.
Le système du " journaliste embedded " (intégré) peut se justifier en zone difficile pour bénéficier d'une certaine protection. Comme nous l’avons déjà souligné, les institutions, l’armée, les grandes ONG, les organismes intergouvernementaux sont les premiers à proposer ce genre de mission.
L’intérêt du système n’a pas échappé aux ONG plus modestes, et surtout ceux qui évoluent en marge. Elles voient dans le système « embedded » un bon moyen pour se faire mousser à peu de frais. On voit donc des journalistes écartés des grandes opérations classiques, engagés dans des « coups » plus ou moins glauques. Si ça réussit, tout le monde est bénéficiaire. Malheureusement, les chances de réussite sont minimes parce que les objectifs des promoteurs sont flous, souvent très mal ficelés et peu ou pas financés.
Dans l’affaire de l’Arche de Zoé, les trois journalistes impliqués opéraient hors des structures des rédactions, sans que l’ONG soit à même de leur garantir une sécurité minimum, et encore moins le succès journalistique.
Effet pervers du ratage de l’opération principale : les journalistes se sont vu reprocher d’être complices des responsables de l’ONG poursuivis par les autorités tchadiennes. Ils ont eu la chance de recevoir l’appui in extremis du Président de la République. Mais sur le fond, en Afrique et dans le tiers monde, on n’en a pas moins conclu : les journalistes sont complices, ils sont sortis de leur rôle d’observateur.
Il serait intéressant de savoir pourquoi les journalistes embarqués dans cette galère n'ont rien publié dans le courant de l'opération (simples problèmes de transmissions ?). Passe encore qu'ils n'aient pas vu que les enfants n'étaient pas vraiment des orphelins. Mais pourquoi ne se sont-ils pas aperçus dès le départ qu'il s'agissait d'une initiative très limite. Pourquoi n'ont-ils pas filmé, photographié ou simplement observé la " récolte " des enfants ?
Leurs explications à venir diront s'ils ont agit comme des journalistes ou comme de simples auxiliaires de communication. Principal enseignement du fiasco : quand la structure d'accueil est trop faiblarde pour garantir au journaliste " embedded " un minimum de sécurité, le risque (de sortir de son rôle de journaliste) peut être trop grand par rapport aux objectifs. Le système de « l’embeded » trouve là sa limite.
Libellés :
arche de Zoé,
embedded,
journalistes
mardi 20 novembre 2007
Bouffonneries médiatiques chez Rachida
Par un journaliste en charge des affaires judiciaires
Jeudi, 14h30, Hôtel de Bourvallais, Place Vendôme, Paris. Petit tour de piste dans le salon des oiseaux. Monsieur le Porte-parole salue les journalistes qu’il connaît, vérifie l’affluence, s’inquiète quand elle baisse, jubile quand les derniers arrivés cherchent une chaise. Puis, il jette ses derniers coups d’œil de professionnel en répondant à quelques appels sur son portable : la caméra du service de la communication du Ministère est dans le bon axe, la petite bouteille d’eau est bien positionnée sur la cheminée, juste derrière le décor bleu en carton, le show peut commencer.
Guillaume Didier est prêt à monter sur le ring de la conférence de presse hebdomadaire que lui a confiée Rachida Dati depuis septembre. Avec lui, au pupitre, une impressionnante pile de chemises : il y a les gros dossiers à l’ordre du jour, et ceux qui pourraient lui être utiles si un journaliste venait à lui poser des questions y correspondant. Si les journalistes ne les posent pas, le dossier restera sous le bras ...
Guillaume Didier a sa méthode, infaillible : pour chaque dossier, il abreuve son audience de données chiffrées, précise à toutes les phrases que ce bilan est conforme aux objectifs que s’était fixé la Ministre, puis change de sujet. Si le journaliste venait à insister lourdement, il se prendrait une nouvelle volée de chiffres verts métrononomiquement ponctuée de « comme l’avait souhaité la Ministre ». Sur les affaires qui font la Une et qui transitent pourtant par la Chancellerie, « la Ministre ne commente pas les affaires en cours ». Sur les projets du Ministère pour tel ou telle loi, « la Ministre réserve ses observations pour les membres de la commission de concertation ». « Quand les réunira-t-elle ? » demande un insolent, « très prochainement ». « Quand ? » répète l’entêté, « vous en serez informé en temps utiles »…
Et rien ne peut ébranler Guillaume Didier, qu’il s’agisse des batailles de Cabinet à l’Hôtel de Bourvallais où des questions techniques liées au divorce du couple présidentiel (où il ne put s’empêcher à près de 10 reprises de singer son homologue de l’Elysée en lâchant d’impénétrables et robotisés « sans commentaires »).
Que faire ? Boycotter les conférences de presse de Monsieur Languedebois ? Créer des happenings tels que des concerts de crécelles à chacune de ses non-réponses ? Des membres de l’association de la Presse Judiciaire ont trouvé une réponse pour le moins stimulante : organiser un concours de la question la plus impertinente, celle qui suscitera la plus grosse langue de bois de la semaine.
Tous les jeudis donc, nos camarades des principaux journaux, radios et télévisions entrent eux aussi dans l’arène du Salon des Oiseaux, armés de questions gênantes ou absurdes, et s’en donnent à cœur joie puisque l’interlocuteur, sous la surveillance permanente de la caméra du Ministère, se sent obligé de répondre à tout ce qui lui parvient aux oreilles : « la chancellerie va-t-elle créer une cellule d'assistance psychologique pour les avocats victimes de la réforme de la carte judiciaire ? » demande benoîtement une journaliste du Canard Enchaîné. « A quel titre Rachida Dati se rend elle avec le Président au Maroc ? », pose innocemment un confrère d’agence le jour de l’annonce officielle du divorce des Sarkozy. « Elle l’a dit ou pas ? » s’ennerve un autre journaliste d’agence à propos d’une citation gênante de la Ministre que son porte-parole refuse de confirmer ou d’infirmer…
Le gagnant se voit offrir un apéro au bar du coin, juste avant la conférence de presse de la semaine suivante. Et en cas de hat-trick, c'est-à-dire de 3 distinctions consécutives, c’est d’un repas entier qu’il se verra régaler.
Le Porte-parole termine sa séance groggy comme un boxeur qui a échappé au K.O. Au fond de la salle, le directeur du service de la communication qui n’a pas raté une miette des échanges, repart avec la caméra pour mettre le film de la séance sur le site internet du Ministère de la Justice… après en avoir supprimé les extraits les plus gênants pour la Chancellerie. Tout de même !
Jeudi, 14h30, Hôtel de Bourvallais, Place Vendôme, Paris. Petit tour de piste dans le salon des oiseaux. Monsieur le Porte-parole salue les journalistes qu’il connaît, vérifie l’affluence, s’inquiète quand elle baisse, jubile quand les derniers arrivés cherchent une chaise. Puis, il jette ses derniers coups d’œil de professionnel en répondant à quelques appels sur son portable : la caméra du service de la communication du Ministère est dans le bon axe, la petite bouteille d’eau est bien positionnée sur la cheminée, juste derrière le décor bleu en carton, le show peut commencer.
Guillaume Didier est prêt à monter sur le ring de la conférence de presse hebdomadaire que lui a confiée Rachida Dati depuis septembre. Avec lui, au pupitre, une impressionnante pile de chemises : il y a les gros dossiers à l’ordre du jour, et ceux qui pourraient lui être utiles si un journaliste venait à lui poser des questions y correspondant. Si les journalistes ne les posent pas, le dossier restera sous le bras ...
Guillaume Didier a sa méthode, infaillible : pour chaque dossier, il abreuve son audience de données chiffrées, précise à toutes les phrases que ce bilan est conforme aux objectifs que s’était fixé la Ministre, puis change de sujet. Si le journaliste venait à insister lourdement, il se prendrait une nouvelle volée de chiffres verts métrononomiquement ponctuée de « comme l’avait souhaité la Ministre ». Sur les affaires qui font la Une et qui transitent pourtant par la Chancellerie, « la Ministre ne commente pas les affaires en cours ». Sur les projets du Ministère pour tel ou telle loi, « la Ministre réserve ses observations pour les membres de la commission de concertation ». « Quand les réunira-t-elle ? » demande un insolent, « très prochainement ». « Quand ? » répète l’entêté, « vous en serez informé en temps utiles »…
Et rien ne peut ébranler Guillaume Didier, qu’il s’agisse des batailles de Cabinet à l’Hôtel de Bourvallais où des questions techniques liées au divorce du couple présidentiel (où il ne put s’empêcher à près de 10 reprises de singer son homologue de l’Elysée en lâchant d’impénétrables et robotisés « sans commentaires »).
Que faire ? Boycotter les conférences de presse de Monsieur Languedebois ? Créer des happenings tels que des concerts de crécelles à chacune de ses non-réponses ? Des membres de l’association de la Presse Judiciaire ont trouvé une réponse pour le moins stimulante : organiser un concours de la question la plus impertinente, celle qui suscitera la plus grosse langue de bois de la semaine.
Tous les jeudis donc, nos camarades des principaux journaux, radios et télévisions entrent eux aussi dans l’arène du Salon des Oiseaux, armés de questions gênantes ou absurdes, et s’en donnent à cœur joie puisque l’interlocuteur, sous la surveillance permanente de la caméra du Ministère, se sent obligé de répondre à tout ce qui lui parvient aux oreilles : « la chancellerie va-t-elle créer une cellule d'assistance psychologique pour les avocats victimes de la réforme de la carte judiciaire ? » demande benoîtement une journaliste du Canard Enchaîné. « A quel titre Rachida Dati se rend elle avec le Président au Maroc ? », pose innocemment un confrère d’agence le jour de l’annonce officielle du divorce des Sarkozy. « Elle l’a dit ou pas ? » s’ennerve un autre journaliste d’agence à propos d’une citation gênante de la Ministre que son porte-parole refuse de confirmer ou d’infirmer…
Le gagnant se voit offrir un apéro au bar du coin, juste avant la conférence de presse de la semaine suivante. Et en cas de hat-trick, c'est-à-dire de 3 distinctions consécutives, c’est d’un repas entier qu’il se verra régaler.
Le Porte-parole termine sa séance groggy comme un boxeur qui a échappé au K.O. Au fond de la salle, le directeur du service de la communication qui n’a pas raté une miette des échanges, repart avec la caméra pour mettre le film de la séance sur le site internet du Ministère de la Justice… après en avoir supprimé les extraits les plus gênants pour la Chancellerie. Tout de même !
Inscription à :
Articles (Atom)