samedi 22 mars 2008

Voyages de presse : y aller ou pas ?

Régulièrement, les journalistes reçoivent des invitations d'entreprises, d'institutions privées ou publiques, voire de ministères.
Doivent-ils les accepter ? Dans un monde idéal, où la presse aurait les moyens d'assurer son indépendance et de financer le moindre déplacement de ses journalistes, la réponse serait bien entendue négative. Mais la crise de la presse, qui s'est intensifiée avec l'idéologie de la gratuité (Internet, journaux gratuits), a eu comme conséquence de réduire encore le budget pour les reportages.
De moins en moins fréquentes sont les occasions pour un journaliste de partir en reportage plus de deux jours en France ou cinq à l'étranger, aux seuls frais de la rédaction et en montant de A à Z ses reportages. Cela arrive plusieurs fois par an, dans la limite du budget de reportage annuel alloué au service. Certains médias sont mieux lotis budgétairement, comme Le Figaro, Paris Match ou les équipes de télé TF1. Pour les autres, c'est souvent serrage de ceinture, économies et système D.
Dans ce fameux système D, il y a le voyage de presse. " Si c'est gratuit, OK ! ", réagit souvent un chef de service à qui on fait part d'une invitation reçue, potentiellement intéressante. Que peut-il précisément faire son intérêt ? La rareté de l'occasion (visiter une industrie de l'intérieur), l'originalité du sujet (le Slow movement, le mouvement de la lenteur), le carnet d'adresse à glaner (des chefs d'entreprises, ordinairement peu acceptibles, ou les super conseillers des ministères, qui suivent les dossiers au jour le jour).Le journaliste doit évidemment toujours se demander pourquoi on l'invite et ce qu'on attend de lui. Sachant que les contre-parties sont rarement évoquées au préalable. L'invitant rêve bien-sûr d'un article élogieux en échange. Mais il n'est pas dupe. Travaillant sur le long terme, il recherche surtout à établir une relation de sympathie, donc de connivence, avec le journaliste, espérant, en cas de coup dur, de pouvoir bénéficier de sa comppréhension ou de son empathie.Conscient de ce que l'on attend de lui, il appartient au journaliste d'établir la bonne distance, de prendre sans promettre de donner. " Le journaliste, c'est le contact et la distance", disait Hubert Beuve-Méry, le fondateur du journal le Monde.

jeudi 6 mars 2008

Commentaires sur internet, dernier espace de liberté

Par Philippe Madelin, écrivain d'investigation

Les autorités politiques chinoises ne s’y sont pas trompées : la circulation des idées par Internet est dangereuse. Mais le danger n’est pas toujours là où on le croit. Ce sont moins pas les sites organisés ou les blogs qui le sont, que les flots de commentaires qui les accompagnent. Chaque article « en ligne » provoque des dizaines, parfois des centaines de "réactions". De vrais dialogues s’amorcent, qui se poursuivent parfois d’un article à l’autre.
Une expérience récente m’a permis de mesurer cet « effet commentaire », fulgurant, sur un reportage, diffusé par le site rue89, sur une expérience de coopération dans le domaine éducative menée à Niamey au Niger. Sur 230 élèves, 64 sont pris en charge par des parrains, qui versent chacun 200 € par an et par élève pendant six ans. Ce n’est pas énorme, mais suffisant pour couvrir les frais de scolarité d’enfants totalement démunis. Dans l'article, j’oppose cette entreprise sympathique à d'autres actions de coopération douteuses, fleurant bon le néo-colonialisme. Je vise, on l’a compris, l’affaire de l’Arche de Zoë.
Aïe, aïe… Je n’imaginais pas le virulence des réactions. Je me suis vu traiter d’agent infiltré des RG, d’espion, de bobo béat et bêtifiant. En gros, me voici devenu un agent du capitalisme souterrain, exploitant ces braves Africains. Je cite : « Cette article sirupeux et hypocrite pondu par un soit disant journaliste d'investigation ne prend même pas la peine de relever non plus que les "Amis de Bassatia" ( avec faute dans le nom ) sont sponsorisés par le Rotary Club de Saintes, par le groupe Total, par Dior et j'en passe. »
Ça c’est le côté négatif des réactions : les lecteurs lisent les papiers en diagonal, réagissent à côté de la plaque, plus soucieux d’exprimer des idées parfois malveillantes que d’entrer dans la discussion.
A l’inverse, même quand ils sont critiques, d’autres correspondants saisissent l’occasion pour ouvrir le débat sur la coopération culturelle. Quelle peut être la nature de cette coopération ? Comment peut-elle se déployer ? " Est ce que les africains, dans toute leurs diversités et pour justement s'en sortir, ont intérêt à faire l'économie d'aide au développement même si elle est teintée de bon sentiment ?", demande un second internaute.
L’amorce de ce débat par réactions interposées démontre s’il le fallait l’intérêt majeur des communications internet : elles sont immédiates, spontanées, souvent pertinentes. C’est un nouveau monde à explorer. Certains sites commencent même à stocker les réactions pour en analyser la teneur et la portée. Mon papier a déclenché un deuxième effet, inattendu, voir stupéfiant. Comme j’y évoquais de façon incidente l’affaire « Arche de Zoë », certains internautes se sont précipités sur cet aspect comme la pauvreté sur le monde. Ils m’ont transmis un certain nombre d’informations à propos de l’équipe qui a animé cette déplorable initiatives, pas vraiment signifiantes pour eux. Or il se trouve qu’elle m’ont permis d’établir de façon formelle la collusion manifeste entre les instances supérieures de l’UMP, un ministre en exercice et ses conseillers médicaux, et l’équipe de l’Arche. Ce qui m’a conduit à trouver la clé de l’engagement mystérieur et apparemment aberrant du Président Sarkozy, l’incitant à aller chercher lui-même au Tchad les animateurs de l’Arche arrêtés par les autorités tchadiennes ! Le Président est parti récupérer des proches ...