dimanche 15 juin 2008

Denis Robert jette l'éponge


" Ce texte est ma dernière intervention publique à propos de Clearstream. J’ai pris la décision de refuser toute interview liée à la chambre de compensation luxembourgeoise et de ne plus l’évoquer sur Internet, dans les journaux, à la radio, à la télévision. Cette décision est douloureuse mais réfléchie. Je la prends après ma lourde et incroyable condamnation pour diffamation (pour un montant de 12500 euros) par le tribunal de Bordeaux suite à des propos vieux de deux ans et plutôt modérés sur le fonctionnement de cette multinationale qui officie dans plus de cent pays, dont quarante paradis fiscaux. (...) Je jette l’éponge. C’est une victoire de Clearstream,de ses avocats, de ses juristes, de ses dirigeants, des banquiers de son conseil d’administration. Une victoire de la censure "
, écrit Denis Robert sur son blog ladominationdumonde.
" J’ai réalisé une enquête de première main, avec des dizaines de témoins différents. Huit ans de ma vie. Nous avons remporté de belles victoires, repoussé plusieurs dizaines d’assauts (judiciaires) de banques russes, luxembourgeoises ou de Clearstream devant les tribunaux français, belges, canadiens, suisses et même à Gibraltar. Mais ce n’est plus possible. Ma confiance envers la justice et les hommes qui ont à juger de mes écrits s’est émoussée. (...) Aujourd’hui en expliquant que des clients douteux se servent de Clearstream comme "d’un poumon à la finance parallèle" , je prends le risque d’être poursuivi. Et condamné. Alors que je peux prouver que des milliers de comptes sont ouverts chez Clearstream dans des paradis fiscaux qui abritent des milliards d’euros. C’est injuste. C’est ainsi."

Pendant vingt ans, Denis Robert a mis le projecteur sur l'économie de l'ombre, celle de l'argent sale, qui prolifère à travers les paradis fiscaux et menace aujourd'hui aussi bien le capitalisme que les démocraties. Rappelons que les 72 paradis fiscaux abritent, selon l'ONG TaxJustice network, 11 500 milliards de dollars,
(7 500 milliards d'euros), de quoi résoudre bien des problèmes sur terre. D'autant que ces places offshore se nourrissent en grande partie de l'évasion fiscale, de la corruption et de la criminalité organisée. Qui connaissait, avant les livres de Denis Robert, l'existence de Cleastream, l'une des principales chambre de compensation des transactions financières transfrontières (avec la belge Euroclear Bank et Clearnet à Paris et Londres) ? Si ces organismes ne produisent pas en tant que tel de l'argent sale, elles sont des véhicules empruntés par ceux qui ont besoin de le faire circuler.
La prise de conscience du rôle et des moyens (les transactions y sont informatisées, et donc traçées) de ces chambres de compensation pourraient permettre de lutter avec plus d'efficacité contre l'argent sale. Voire de mettre facilement en place un système de taxation des transactions financières.
Mais quels gouvervenements et quelles entreprises ou banques (qui en sont des utilisateurs) auraient intérêt à ce que l'on arrive à un tel niveau de transparence ?

La fragile indépendance de l'AFP (2)


Après s'être attaqué à la télévision (étouffement financier annoncé pour France Télévision, enrichissment par la publicité des chaînes de ses amis Bouygues et Bolloré, etc.), qui constitue l'unique source d'"information" pour une grande majorité des Français, les hommes de Sarkozy vont-ils s'en prendre à l'AFP, dont les dépêches abreuvent radios, journaux et internet ?

On pourrait y voir une tentative dans la récente proposition de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, de créer une sorte de " fil" AFP dédié aux communiqués des partis politiques. Une réponse faite à Frédéric Lefebvre, député UMP des Hauts-de-Seine, proche de Sarkozy, qui n'avait pas du tout apprécié que l'AFP ne mette pas illico en ligne sa réaction à la condamnation de Ségolène Royal (à verser des salaires à d’anciens collaborateurs, qui la poursuivaient en justice).
Jusqu'ici Pierre Louette, pdg de l'AFP, semble faire barrage aux attaques, des rangs de l'UMP, contre son agence. Cet énarque a pourtant travaillé au cabinet d' Edouard Balladur à Matignon entre 1993 et 1995 quand un certain Sarkozy était ministre du Budget et porte-parole du gouvernement. Mais si les deux hommes se connaissent, ils ne s'aiment guère. "Dans les couloirs de l’AFP, certains pensent que Super Sarko veut virer Louette, qu’il juge trop peu docile, pour placer un de ses proches. Jean-Pierre Elkabbach, Jean-Marie Cavada, Nicolas Beytout, Arlette Chabot, pourraient très bien diriger l’AFP, avec compétence et indépendance, cela va de soit", pointent des syndicalistes de l'agence.
Créée à la Libération, l'AFP, qui compte 2000 salariés (dont 1200 journalistes) dans le monde, revendique l'indépendance et l'impartialité de sa ligne éditoriale. Son statut lui interdit ainsi d'être directement financé par l'Etat. Seulement, l'Etat français est traditionnellement son premier client puisque 40% de son chiffre d'affaires provient des abonnements de services publics (aux ministères, préfectures, ambassades, etc).
En tant que premier client et membre du conseil d'administration, le représentant du gouvernement français contribue à la fixation du prix de l'abonnement ... au gré des moyens qu'ils souhaitent allouer à l'agence. Il oriente aussi des décisions non anodines telles que la renégociation du plan stratégique de l'agence ou du bail de l'AFP, place de la Bourse. Un emplacement stratégique, au coeur de Paris, qui lui permet de réagir au plus vite au moindre événement. Et de conserver sa place de troisième agence de presse mondiale. A condition de continuer à en avoir les moyens.